Axel Cadieux
Le Dernier Rêve de Stanley Kubrick
Capricci, 144 p., 16 euros
Cela fait plus de vingt ans que nous pûmes découvrir l’ultime opus de Stanley Kubrick, Eyes Wide Shut, longtemps fantasmé et désiré, puis sorti en salle alors que le cinéaste s’était éteint quelques mois auparavant. C’est sur ce « Dimanche 7 mars 1999 » fatidique que s’ouvre le Dernier Rêve de Stanley Kubrick d’Axel Cadieux, dont l’enquête s’apparente à l’exploration d’un labyrinthe paradoxalement très humain et chaleureux. Ce projet particulièrement personnel trouve ses sources dans les années 1960, où sont acquis les droits de la Nouvelle rêvée d’Arthur Schnitzler, à laquelle se grefferont « les réminiscences fantasmées de Stanley Kubrick qui, de l’autre côté de l’océan, tend de tout son être vers sa ville-monde de naissance ». Le réalisateur new-yorkais travaillait depuis Lolita (1962) en Angleterre, bénéficiant de pleins pouvoirs uniques dans le système hollywoodien. Cadieux a pu mener des entretiens avec de nombreux collaborateurs qui permettent plus qu’un décryptage de l’oeuvre finie : un déploiement de son élaboration en temps réel, que ce soit dans le travail d’écriture, comme réfracté par Frederic Raphael, le lien fort et ambivalent avec le couple vedette Kidman-Cruise, comme l’importance de chaque détail matériel. L’essai ne cache rien du statut particulier d’une oeuvre que son auteur ne put mener au terme de sa postproduction, alors qu’« il avait l’habitude d’en modifier des aspects jusqu’à la dernière seconde ». Savante alchimie de préparation absolue et de fulgurantes inspirations qui tirent profit de l’investissement personnel de chacun, Eyes Wide Shut n’en demeure pas moins une « capsule de cinéma traversant l’espace et le temps, les songes et les mirages, avec pour ultime horizon, la recréation d’un passé lointain et impalpable ».
Jean-Jacques Manzanera