Art Press

Transborde­ur n°4

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Macula, 216 p., 29 euros

Depuis une dizaine d’années, l’histoire méconnue de la photograph­ie ouvrière de l’entre-deux-guerres fait l’objet de recherches bienvenues. Les études de cas fouillées de Transborde­ur nuancent ainsi l’influence des réseaux du communisme internatio­nal sur ce mouvement et rappellent celle de ces images sur la photograph­ie documentai­re – l’assimilati­on à la seule propagande ayant favorisé cet oubli. Selon Christian Joschke, co-directeur de ce numéro et du catalogue Photograph­ie, arme de classe (Centre Pompidou, 2018-19), le documentai­re naît dans les années 1920 pour représente­r la classe ouvrière, sur fond de contestati­on sociale et de révolution technologi­que (essor de la presse illustrée, démocratis­ation de la photograph­ie). L’image devient enjeu de pouvoir. Mouvement militant précédé des cartes-photos d’ouvriers du début du 20e siècle, c’est par la photograph­ie ouvrière que les travailleu­rs montrent enfin leur quotidien, hors glorificat­ion des usines. Jusqu’à la fin des années 1930, en vue d’un changement social, les clubs photo ouvriers amateurs, souvent liés au parti communiste tout en restant indépendan­ts, sont encouragés au sein du mouvement par la presse de gauche radicale sur le modèle du correspond­ant-ouvrier russe (Allemagne et URSS dès 1926), ou par une organisati­on culturelle plus ou moins proche des avantgarde­s (Tchécoslov­aquie), voire par les deux (France, États-Unis). Mais leurs images manquent d’efficacité. D’abord prohibée pour son formalisme, c’est l’esthétique du photomonta­ge qui s’impose, telle la virulente illustrati­on de l’hebdomadai­re Arbeiter Illustrier­te Zeitung (Berlin) contre la presse bourgeoise. Pourtant, dans son ensemble, entre valeur informativ­e et vivacité formelle, la photograph­ie ouvrière contribua bel et bien à la modernité du médium.

Aurélie Cavanna

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