PENSER LE MUSÉE DU FUTUR
THINKING THE MUSEUM OF THE FUTURE
Le musée de l’Élysée s’apprête à rejoindre Plateforme 10, le nouveau quartier des musées près de la gare de Lausanne où l’institution rouvrira au printemps 2022. Pourtant, Regénération 4, qui se tient jusqu’au 27 septembre 2020, clôt moins la première vie du musée qu’elle n’inaugure la nouvelle. En effet, à la différence des trois précédentes éditions de cette quinquennale, Regénération
n’entend pas dresser un simple panorama des pratiques émergentes mais identifier les enjeux qui animent les nouvelles générations et les réponses que l’institution peut leur apporter. L’exposition, dont le commissariat est assuré par Pauline Martin et Lydia Dorner, veut ainsi contribuer à penser le musée de photographie du futur.
Découvrir les travaux des 35 artistes réunis permet de distinguer deux groupes d’enjeux. Ontologiques et épistémologiques, les premiers portent sur le périmètre d’un musée de photographie. Quels objets en relèvent ? Depuis 2005 et la première édition de Regénération, les mutations du médium sont telles que la photographie ne peut se penser aujourd’hui en dehors de l’image animée et de la réalité virtuelle, de son hybridation avec d’autres pratiques et de sa spatialisation sous forme d’objets ou d’installations. Regénération 4 ne fait pas exception. Les vidéos y sont nombreuses, qu’elles viennent en complément de photographies ou qu’elles soient autonomes, qu’elles aient été réalisées sur le terrain ou qu’elles soient entièrement générées par des algorithmes ou des logiciels. Parmi ces dernières, se distingue Be Arielle F.
(VR) (2019) de Simon Senn qui investit la réplique numérique d’une femme achetée sur internet et instaure un troublant dialogue avec celle qui a servi de modèle. Les pratiques mixtes, qui mobilisent souvent des photographies trouvées, permettent quant à elles de redonner vie à ces images rendues anonymes par le passage du temps. C’est la finalité de Yuan Jin, qui peint des fleurs et des plantes sur des visages de la première moitié du 20e siècle, tout comme Piotr Zaworski qui appose des moutons de poussière sur des photographies de famille. Enfin, la photographie sort de son cadre et se projette dans l’espace, à l’instar des images performées et sculpturales de Jessie Schaer ou des grandes bandes pendues au plafond de Nathaniel White. Captures d’écran de vues aériennes de lieux où des migrants ont trouvé la mort, ces dernières confirment, en mosaïques, que les supports et formes non conventionnels, qui semblaient réservés encore il y a peu à des approches formelles, ont aujourd’hui conquis le champ du documentaire. On le voit, l’optique de l’exposition est d’éprouver la photographie plutôt que de la restreindre. Regénération 4
Nathaniel White. « Routes ». 2019. Papiers peints, tirages jet d’encre, livre. Vue de l’exposition « reGeneration4 », 2020. (© Yannick Luthy - Musée de l’Élysée, Lausanne)