Tons Flingueurs
Vincent, you have a propensity for appropriating and transforming. When I read your graphic novel Dans la Forêt Sombre, for instance, I thought a lot about Tomi Ungerer’s Le Chien Bleu. I wonder whether your work isn't in part a gigantic homage tinged with insolence.
W
Boudé depuis trop longtemps par les institutions, l’artiste n’a été par ailleurs et dans un premier temps que très parcimonieusement soutenu par la critique – il fut néanmoins, dès les années 1950, défendu par Michel Ragon, Pierre Restany mais aussi John-Anthony Thwaites et, chose étonnante, Annette Michelson – avant de voir son travail gagner peu à peu en visibilité à partir des années 1970 (Catherine Millet, Christian Bonnefoi et Jean Clay, pour citer les multirécidivistes de l’époque), sans toutefois atteindre la notoriété d’un François Morellet, pour ne mentionner qu’un des artistes français de sa génération. Alfred Pacquement notait à ce titre, dans la préface du catalogue de l’exposition du Jeu de Paume, à quel point l’oeuvre de Barré avait été négligée pendant un laps de temps considérable et tenue à l’écart des grandes manifestations officielles qui ont concouru à célébrer la création hexagonale. On rappellera ainsi qu’il avait été, entre autres, absent de l’exposition controversée du Grand Palais de 1972 dédiée à l’art contemporain en France, avant d’être redécouvert en 1979 à l’occasion de sa rétrospective (qui ne tenait pas compte des tableaux antérieurs à 1960 uniquement mentionnés dans le catalogue) de l’ARC, faisant déjà dire à Suzanne Pagé qu’il est « ignoré des histoires de l’art et des grandes manifestations officielles en France, mal connu de la critique et du public [...] dont l’oeuvre éveille, dans le même temps, l’enthousiasme fidèle de quelques grands collectionneurs internationaux et l’attention exigeante de jeunes artistes attirés par l’austère ambition de son propos (1) ». Quelles sont dès lors les raisons qui justifient le fait que l’oeuvre de Barré n’ait toujours pas la place qu’elle mérite ? Certes, le retard accumulé jusqu’à la toute fin des années 1970 a été rattrapé depuis et un nombre restreint d’historiens de l’art – à commencer par Yve-Alain Bois, qui lui a consacré une monographie en 1993, traduite en anglais en 2008 – se sont penchés sur son cas et / ou ont témoigné de leur admiration pour le peintre. Je me souviens à cet égard de l’état d’éblouissement dans lequel se trouvait Svetlana Alpers, rencontrée juste après qu’elle eut rendu visite à son amie Michèle Barré dans son appartement du Marais, ne dissimulant guère son émotion d’avoir vu la dernière toile peinte par Martin. Que l’oeuvre, en l’occurrence tardive, de l’artiste ait pu si profondément bouleverser cette historienne de l’art connue pour ses travaux sur la peinture hollandaise du 17e siècle, tout en laissant indifférents la plupart des contemporanéistes, est peut-être un signe de son décalage et de sa place, ou plutôt absence de place, occupée dans l’histoire de l’art de la seconde moitié du 20e siècle.
CONFIGURATIONS LABILES Tour à tour courtisé par Ragon et Restany dans les années 1950, autant dire un grand écart, Barré entame sa carrière dans un contexte pictural parisien très polarisé. En 1958, il se rend à Amsterdam où il découvre pour la première fois « en vrai » des Malévitch, peintre dont il verra la rétrospective au Louisiana de Copenhague en 1960. Dans ce laps de temps, l’artiste se réinvente et renégocie les questions relatives au fond (voir son entretien avec Catherine Millet en 1974 [2]) et à la forme. Comme l’a parfaitement analysé Bois, Barré abandonne, entre 1958 et 1960, ses compositions bien bâties et charpentées au