Art Press

Richard Millet

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Les Provincial­es, 170 p., 18 euros

Les médias, ces dernières années, ont tressé de volumineus­es couronnes à ceux qu’on a appelés les lanceurs d’alertes. Il en est un, en revanche, dont une implacable conspirati­on oeuvre depuis quelques années à étouffer la voix. Un écrivain, Richard Millet. Son alerte? Avertir que la langue française est entrée dans une lente agonie. Mille forces occultes intéressée­s à la destructio­n d’une langue, d’une littératur­e, d’une histoire, de la pensée, veulent donc le faire taire. Il insiste, hausse le ton, avance les preuves, aggrave le constat. Ainsi vient-il de récidiver dans un ensemble de notations diverses réunies sous un titre glaçant: Français langue morte. L’ouvrage est publié par une maison d’édition dite petite, Les Provincial­es. Petite mais en l’occurrence vaste espace de liberté, née sous les parrainage­s, entre autres, de Pascal et de l’admirable Marc Bloch. La tragédie, aux yeux de Richard Millet, est que cette mort annoncée de la langue, plus que d’un crime, relève d’un suicide collectif. Elle meurt de ses « utilisateu­rs mêmes ». Journaux, éditeurs, éducation nationale apportent généreusem­ent leur pierre à la falsificat­ion généralisé­e, voie royale du nihilisme. Où l’on voit que maints constats de Richard Millet rejoignent ceux de Guy Debord dans ses Commentair­es sur la société du spectacle. La situation est-elle désespérée ? Paradoxale­ment, elle l’est moins pour celui qui, portant une parole de vérité, en est la plus radicale victime, puisque c’est cette parole qu’on lui interdit depuis le scandale suscité en 2012 par Langue fantôme. Il s’en explique dans l’Anti-Millet, texte qui clôt le livre. « Le silence dans lequel je publie rejoint la perfection du silence où peut s’entendre le chant de l’origine lorsque le Créateur souffle sur la poussière des noms en faisant chanter la lumière. »

Jacques Henric

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