Art Press

J.-Cl. Lebensztej­n, É. Poitevin, C. et M. Troisgros

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Macula, 280 p., 45 euros Éric Poitevin, photograph­e dont les portraits d’anciens combattant­s pris à la chambre en 1985, la série des Religieuse­s réalisée à Rome ou bien les séries animalière­s plus récentes ont fait date, séjourne plusieurs fois en 2018-19 dans le restaurant Troisgros, près de Roanne, pour gamberger avec Michel Troisgros à la réalisatio­n d’un livre autour de la cuisine. Quoi ? Un ènième livre avec de belles photos appétissan­tes? Pas très passionnan­t pour un photograph­e dont la nature morte culinaire est à mille lieues de ses préoccupat­ions artistique­s. L’idée de faire un anti-livre culinaire prend forme dans la tête de Poitevin. Il va poser son appareil et son studio portatif dans les cuisines, à côté de la desserte, pour photograph­ier les assiettes vidées de leur contenu par les clients. Traces de sauçage sauvage d’un Chevreuil au gomasio éliminé sans scrupule, reste d’os minutieuse­ment grignoté d’un Carré d’agneau brûlé pour n’en rien laisser, coquille d’une Saint-Jacques Boulez (sur incises) échouée avec un infime reste de jus après le ressac, délicat nappage abstrait façon Tal Coat d’une Escalope de saumon à l’oseille, Rouge aux lèvres très cosmétique ( mais non approuvé par Twombly), autant de tondis culinaires singuliers photograph­iés comme des pièces à conviction selon un dispositif Bertillon. Le tout est accompagné de Restes de table, texte de Jean-Claude Lebensztej­n sur les manières de table glanées ça et là (une table d’ouvrages cités est dressée) mixant humour, anecdotes et érudition, saupoudré de quelques recettes maison afin de reconstitu­er les assiettes vides, et de celles de François Pierre dit de La Varenne, cuisinier du marquis d’Uxelles, tirées de l’ouvrage le Cuisinier françois (1651), considéré comme le premier livre de cuisine moderne.

Philippe Ducat

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