Guillaume de Sardes
Hermann, 164 p., 20 euros
Vers l’Est témoigne des séjours du photographe et écrivain Guillaume de Sardes, cette dernière décennie, dans les grandes villes de l’ancien bloc de l’Est. Cette réalité importe car, lorsque l’histoire refait surface, la période soviétique s’impose, à l’exclusion des époques antérieures : ce sont les fastes passés de l’hôtel Président de Moscou ou le sens perdu d’une pyramide monumentale dans le centre de Riga. Mais cette réalité s’efface dans l’objectif du photographe qui, sans jamais vraiment fuir le motif, privilégie la latence et le suspens. À tel point qu’on se demande parfois ce qui a retenu son attention et qu’on finit par se dire qu’on a, paradoxalement, rarement vu de photographies aussi fixes. « Récit de voyage? Par la bande », écrit Paul Ardenne dans la préface. Ces images sont avant tout des ambiances, des métaphores d’un état d’esprit, voire d’un état d’âme. Guillaume de Sardes confirme qu’il appartient à la tradition française des photographes voyageurs qui, incarnés par Bernard Plossu ou Raymond Depardon, associent étroitement découverte de l’Ailleurs, rencontre de l’Autre et exploration du Moi. Mais s’il partage ici, dans les portraits féminins qui ponctuent le livre, l’érotisme discret de Plossu, il est plus pudique que Depardon. Les textes qui accompagnent les images ne sont pas effusifs. Souvent factuels, ils sont la mémoire à l’oeuvre qui garde des souvenirs nets mais partiels. Plus analytiques, ils élaborent par fragments un art poétique. Ils ne doublonnent jamais les photographies dont ils font ressortir l’expressivité retenue servie par des effets de flou et un grain éclaté. Guillaume de Sardes fait partie de ces auteurs qui croient encore – ou à nouveau – en la possibilité de rendre compte sincèrement d’une expérience intime du monde.
Étienne Hatt