Art Press

Françoise Etchegaray

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Contes des mille et un Rohmer

Exils, 220 p., 22 euros

Plutôt que d’analyser comme d’autres l’oeuvre du cinéaste, Françoise Etchegaray s’attache au making of des films de Rohmer dans sa dernière période. Durant les vingt-sept ans où elle fut sa plus proche collaborat­rice, elle a accumulé des notes et des souvenirs, qui font d’elle le témoin irremplaça­ble de son processus de création. Les inspiratio­ns, la démarche esthétique, les lubies et les manies de ce cinéaste hors normes, né en 1920 et qui aurait donc eu cent ans cette année, détonnent, dans un monde du cinéma où ils n’ont rien d’exemplaire : Rohmer constitue en effet un cas à part parmi ceux que Godard nommait les profession­nels de la profession. De sa formation littéraire et de ses engouement­s de cinéphile, longtemps rédacteur aux Cahiers du cinéma, Rohmer a tiré une énergie créatrice plus encore qu’un bagage artistique. Il est ainsi resté attaché à la forme narrative dans ses scénarios où prédomine la forme du conte, des Contes moraux (1963-72) aux Contes des quatre saisons (1990-98). Certains furent des adaptation­s d’oeuvres littéraire­s, de Perceval le Gallois (1978) jusqu’à son dernier film les Amours d’Astrée et de Céladon (2007) d’après Honoré d’Urfé. Il a su imposer un style et un ton personnel raffiné mais sans affèterie. Sur les tournages, il s’entourait de jeunes femmes: des technicien­nes, des actrices, Françoise Etchegaray, sa productric­e… On le rattache à la Nouvelle Vague, alors qu’il semble plutôt tourner le dos à la mode comme à la modernité. Se tenir dans l’intimité de ce créateur exigeant et solitaire a appris à l’auteure la modestie. Elle réussit à communique­r, avec verve, drôlerie et perspicaci­té, la force tranquille de cet esthète plein d’esprit. C’est une leçon de vie plus encore qu’une leçon de cinéma.

Claire Margat

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