Édouard Taufenbach
L’Image dans le miroir
L’Artière, 78 p., 55 euros
Il y eut d’abord Spéculaire, série de photocollages d’Édouard Taufenbach, présentée galerie Binome, à Paris, au printemps 2018. Aujourd’hui, il y a l’Image dans le miroir, premier livre du jeune artiste, qu’il a lui-même mis en page. Or, si l’ouvrage reprend ses travaux élaborés à partir de la collection de photographies vernaculaires de Sébastien Lifshitz, il est si audacieux et inventif qu’il permet non pas, comme souvent, de moins bien voir ou revoir les oeuvres de l’exposition mais, au contraire, d’en avoir une expérience encore plus complète. On commence à connaître la collection Lifshitz dont des aspects furent montrés aux Rencontres d’Arles ( Mauvais genre, 2016) ou, l’année dernière, au Centre Pompidou, à la faveur de la programmation consacrée au réalisateur des Invisibles (2012). L’homoérotisme y est très présent mais, de manière plus générale, c’est la liberté des corps qui a retenu l’attention de Taufenbach. Ces images en noir et blanc de loisir, de plaisir et de désir sont des photographies intimes mais aussi de simples photographies de vacances. Taufenbach les reproduit d’abord à plusieurs exemplaires, parfois dans des dimensions différentes, puis les découpe et en réagence les parties dans une composition qui semble emprunter à la stéréoscopie et à la chronophotographie. L’artiste souligne un aspect formel ou narratif – les courbures d’un corps, un geste – ou réinterprète complètement l’image. Dans tous les cas, il l’anime. Le livre amplifie ce phénomène en faisant entrer le lecteur dans l’opération de fragmentation de l’image conduite par Taufenbach, qui reproduit la plupart des photocollages à cheval sur le recto et le verso d’une page. L’Image dans le miroir confirme que l’iconoclasme au scalpel de Taufenbach est, en fait, au service de la vue.
Étienne Hatt