SOUS LE SIGNE DU SANG
Dans le splendide théâtre grec de Syracuse, le plasticien Mircea Cantor a imaginé une performance liée au souffle et au corps sur fond de souvenir de cette Antiquité à laquelle renvoyait le spectacle ; ses voix et ses cloches géantes évoquaient autant les vieilles cérémonies sacrées que les alertes contre les ennemis imminents. Cloches de l’espoir et de la crainte manipulées par de jeunes gens couverts de toges intemporelles devant une assistance silencieuse comme lors d’un service religieux ! Une spécialiste affirmait avec sa voix émue : « Il n’y a pas de culture grecque sans son théâtre. » À Salzbourg, pour le centenaire du festival, malgré les appréhensions de Krzysztof Warlikowski et de sa scénographe de génie Małgorzata Szczęśniak, a pu être présentée Elektra de Richard Strauss. Spectacle horspair où l’excès de cette musique dévastatrice trouvait son équilibre dans l’engagement sans pathos des chanteurs. Ainsi, on respectait la relation originelle entre théâtre et opéra, car Strauss avait composé suite au choc de la découverte du texte de Hugo von Hofmannsthal. On retrouve ici le motif de l’enfant cher à Warlikowski. Trois petits mannequins, présents tout au long du spectacle, rappellent la famille déchirée d’Elektra, Oreste et Chrysothémis. La violence se manifeste par une expression retenue, par la blessure énorme qui envahit le plateau placé sous le signe du sang !