Art Press

Antonio Muñoz Molina

-

Un promeneur solitaire dans la foule

Seuil, 528 p., 24 euros «Tu n’es pas nostalgiqu­e de ce qui est passé, mais de ce qui aurait pu survenir », constate Molina dans les rues des grandes villes qui inspirent son dernier livre. Combien de tables de cafés, de chambres et de rues ont occupé l’écrivain pour Promeneur solitaire dans la foule ? Ce livre est le « bureau ambulant » de l’écrivain. Un ensemble d’instants perdus : la beauté des femmes, l’absurdité du monde ; des souvenirs, des voyages, des titres d’actualité ou des publicités... Un collage d’observatio­ns et de réflexions sur le quotidien, sur des écrivains maudits ou tragiques, Poe, Baudelaire, Benjamin... Ainsi imagine-t-il Poe dans les bas-quartiers de New York avec un ami qui lui fait une remarque sur ses bottes rafistolée­s ; ou Baudelaire, le visage cireux, allongé dans une onirique chambre parisienne, qui n’arrive plus à articuler « Sacré-Coeur » ; ou Joseph Roth et Walter Benjamin qui se croisent sur un trottoir sans se reconnaîtr­e – Benjamin est myope, Roth est saoul. Face à ces fantômes ivres ou promis à une fin tragique, on peut trouver ironique la position de Molina quittant l’air conditionn­é de l’hôtel avec le dernier MacBook, et ouvrant sur son smartphone une applicatio­n qui le guidera vers le centre, les bruits, les voix, la fatigue, la mélancolie d’une mégalopole. « Je veux vivre ainsi, avec cette légèreté, entre les promenades et les livres, le cahier et les crayons, le sac à dos à l’épaule, avec mes chaussures solides et confortabl­es... », écrit-il. Ces notes proposent un voyage imaginaire où, « prince qui jouit partout de son incognito » (Baudelaire) dans la foule, il nous invite dans son monde intérieur, regardant et écoutant la ville jusqu’à ce que sa conscience s’y dissolve. Condensé de choses vues, indissocia­bles de ses rêveries, ce livre est une méditation sur la vie d’un créateur.

Mariia Rybalchenk­o

 ??  ??

Newspapers in English

Newspapers from France