Jérôme Game
Éditions de l’Attente, 144 p., 13 euros
Il fait chaud, voire super chaud, et le ciel est bleu, souvent, dans les images feuilletées et pixellisées du dernier livre de Jérôme Game, Album photo. En une multitude de vignettes d’une réalité sans cesse en mouvement, l’auteur saisit le bruissement de notre monde d’images. Dans ses mots, on voit des paysages, des scènes urbaines, des individus, dodus parfois. On survole des autoroutes, des deux fois quatre voies, en avion. Ça vire à gauche ; contreplongée. On traverse des foules et des carrefours, on voyage en train, on regarde par la fenêtre, on scrute des images publicitaires. On voit et on sent aussi. Sa phrase est brève et souple, précise et sensitive, et, si elle reproduit à dessein le glissement rapide des images virtuelles sous les doigts (ce « SWIPE » qui ponctue), elle sait aussi s’arrêter et saisir en un bloc de texte mis en page une odeur, une chaleur, une couleur, un lieu. De vagues indications géographiques que l’on débusque à travers quelques signes, quelques dates, mais ce n’est pas ce qui importe. Ce serait plutôt un saisissement qui relève autant du photographique que du cinématographique dans le double jeu de la camera (en héritier de Duras et de Beckett). L’outil qui sert à voir est prégnant : appareil photo, téléphone portable, caméra de vidéosurveillance, et permet de pénétrer plus ou moins dans l’image. Qui tient la caméra, le stylo ? L’élision des pronoms personnels évite le sujet. Et le lecteur ne sait pas toujours si ce qui est regardé est l’image prise ou le geste de la prise, tant les deux tendent à se confondre. Les mots glissent et s’enchâssent mais chaque cadre est un précipité de réel. L’Album photo de Jérôme Game poursuit ce geste d’écriture singulier qui est le sien, celui d’une langue-image au plus près du monde.
Sally Bonn