Gilles A. Tiberghien
Le Paysage est une traversée
Parenthèses, 206 p., 28 euros
Depuis Land Art Travelling (Beauxarts de Valence, 1996) le philosophe esthéticien Gilles A. Tiberghien interroge la porosité voire l’interchangeabilité des figures du traversant, qu’il soit promeneur, voyageur, artiste ou lecteur, et du traversé, paysage, temps, oeuvre in situ ou codex. Tout comme la morale pour Luc Moullet, le paysage est affaire de travelling, de traversée : il parcourt. Même quand l’arpenteur s’arrête, reprend son souffle, dessine, photographie, creuse ou est creusé tel une gorge héraclitéenne par l’érosion du fleuve, le paysage continue sa marche. Qu’en est-il, dans cet ouvrage, de celle, apparemment insatiable, du spécialiste du land art, traducteur de Benedetto Croce et de Luigi Pareyson, et inventeur du verbe « amitier » ? Le parcours se compose de quatre parties et dix chapitres abondamment illustrés où l’on retrouve, remaniés, des articles parus, par exemple, dans les Carnets du paysage, dont il codirige la rédaction, ou dans le catalogue de l’exposition Vue d’en haut au Centre Pompidou Metz, en 2013. Voyons comment ils sont reliés entre eux, puisqu’ils le sont davantage que par l’objectif d’être recueillis, ce dont d’aucuns se seraient satisfaits. C’est peut-être une note de bas de page dans le dixième chapitre « Le paysage et l’art comme expérience de la nature », qui nous l’apprend. Elle est brève, discrète, je la cite : « En insistant sur cette dimension [le paysage est une expérience], je n’en méconnais pas les autres mais il me semble que, dans un monde qui privilégie l’image à l’excès, on a tout intérêt à la mettre en avant. » Paysages, artefacts et artistes comme expériences forment dans ce livre une esthétique pragmatique, deweyienne, qui invite à prendre part au mouvement.
Antoni Collot