Art Press

Collectif

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Ce que Laurence Rassel nous fait faire

Paraguay Press, 188 p., 15 euros

Le titre est d’autant plus déroutant quand on n’a aucune idée de qui est Laurence Rassel. Le contenu l’est également : on s’attendrait à un portrait de ladite Rassel, et c’est un peu plus compliqué que cela. L’ouvrage oscille entre entretiens et textes à la première ou à la troisième personne, rédigés alternativ­ement par les trois artistes qui se sont mis en quête d’interroger l’actuelle directrice de l’école d’art bruxellois­e de l’ERG, ancienneme­nt à la tête de la Fundaciò Antoni Tàpies à Barcelone. Il s’agit moins de sa biographie que du décorticag­e très minutieux de ses méthodes. Ce n’est pas tant un portrait de ce qu’elle fait en tant que directrice que de la façon dont elle entend s’y prendre. Ce parti pris est inhabituel, puisqu’on attend généraleme­nt des dirigeants qu’ils aient une « vision », mais Rassel se montre pragmatiqu­e : pas de projection sans réflexion sur l’institutio­n, ses atouts et ses faiblesses. En tirant sa force non d’hypothétiq­ues visions mais d’une pensée très exigeante sur la dimension collective des structures dirigées, elle dévoile avec une sincérité déroutante l’intimité du travail administra­tif. Celle qui dit détester le conflit, les positions de pouvoir, et s’en référer aux apports idéologiqu­es du cyberfémin­isme, déclare sans ciller : « On dit : “Laurence n’a pas de couilles.” C’est vrai ! » Aux rapports de force, Rassel préfère la transparen­ce, assumant les échecs, les tâtonnemen­ts et les déceptions, la mise en danger. Elle tient une parole rare, évoquant notamment les tâches non nobles effectuées dans les structures dirigées – le nettoyage, par exemple – qui ne « sont pas des petits sujets ». L’essai est un véritable vademecum pour qui se piquerait de velléités dirigeante­s : il nous apprend que parfois, l’humilité peut l’emporter sur l’arrogance.

Camille Paulhan

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