Timothée Gérardin
Cinémiracles, l’émerveillement religieux à l’écran
Playlist Society, 164 p., 14 euros
Malgré qu’il en ait, le Français n’est pas un descendant de Voltaire mais de Monsieur Homais : les questions religieuses, a fortiori théologiques, lui semblent ridicules ou obscènes. Il faut savoir gré à Timothée Gérardin d’adopter, dans son essai sur le miracle en cinéma, une position d’une grande franchise quoique d’une louable neutralité. Le miracle, dit-il justement, est pure affaire de croyance. Au départ, un événement qui dérange l’ordre du monde, localement (eau changée en vin), spectaculairement (partage des eaux du Nil), voire ontologiquement (résurrection du Christ). Devant ces événements, on peut douter qu’ils aient eu lieu (et ne soient pas tromperie), qu’ils soient de la magie (terrestre ou diabolique) ou qu’ils soient d’inspiration divine. Toutes les attitudes existent, dans l’histoire et les mythes (chrétiens, ici), dans le quotidien, et dans les films. Personnages et spectateurs se partagent ainsi une même tâche, croire ou ne pas croire au miracle comme surnaturel – mais les uns comme les autres sont voués à en accepter l’existence. On reconnaît là, bien sûr, une exacerbation de la notion de pacte de fiction, cette position psychologique contradictoire qui fait que, lisant ou voyant une histoire racontée, je crois à sa réalité mais suis certain de sa fabrication. Gérardin a bien perçu ce trait central qui fait du miracle, dans sa relative rareté à l’écran (on lui préfère de beaucoup la magie et les mondes merveilleux), une sorte d’incarnation de la fiction. Son essai évite l’érudition mais il est bien et justement informé ; il n’oublie pas la leçon de ses grands ancêtres des années d’après-guerre ; il donne des films commentés, nombreux et variés, des descriptions exactes (chose rare dans la critique de cinéma) et d’une intelligence constante. De quoi se convertir.
Jacques Aumont