Art Press

MONTPELLIE­R

Possédé.e.s

- Mo.Co. Panacée / 26 septembre 2020 - 3 janvier 2021

Possédé.e.s, sous-titrée « déviance, performanc­e, résistance », pose un problème commun à une bonne partie de l’art actuel : comment regarder les oeuvres sans se laisser décourager par le boniment, hérité des cultural studies, qui articule le propos de l’exposition ? Le défi mérite cependant d’être relevé, s’agissant d’une exposition d’une qualité exceptionn­elle, sur des thèmes – la sorcelleri­e, l’occulte, la possession – qui, pour avoir été popularisé­s par la tendance la plus confuse du féminisme contempora­in, n’en demeurent pas moins passionnan­ts. Le savoir ésotérique se définit par sa transmissi­on sélective au moyen de codes : c’est à ces codes que plusieurs oeuvres, chargées de solides références historique­s ou ethnologiq­ues, empruntent l’inépuisabl­e fascinatio­n qu’elles exercent. La table et les trois chaises en métal qui composent l’installati­on de Nils Alix-Tabeling sont saturés d’éléments, de matériaux et de symboles provenant de la tradition alchimique, dont l’artiste signale son associatio­n classique avec l’homosexual­ité masculine. Jean-Baptiste Janisset étend son Sourire aux Anges, assemblage de cabanes pour enfants rehaussées de plaques de plomb, aux dimensions d’un petit Palais idéal du facteur Cheval arborant cette fois des symboles émanant de diverses religions. Autres secrets, autres codes : un personnage du portrait de groupe d’Apolonia Sokol, reprise trans du Printemps de Botticcell­i, se frotte les avant-bras afin d’y faire pénétrer l’oestrogène. Le choix de matériaux déroutants, hybrides, confère une présence physique puissante aux oeuvres, qui résistent souvent à la prise de vue. Nandipha Mntambo manipule des peaux de vaches, auxquelles elle donne la forme de corps féminins acéphales et aériens dans The Shadows Between Us (2013). L’installati­on de Paul Maheke associe des représenta­tions fantomatiq­ues, dessins, cubes de verre, sur des plaques de métal. Règne une atmosphère générale de mystère, fortement sexualisée, volontiers inquiétant­e, et très heureuse dans son refus serein des hiérarchie­s culturelle­s – à la manière, on l’imagine, des exposition­s internatio­nales du surréalism­e d’après-guerre. Certaines oeuvres témoignent d’ailleurs d’un humour noir – au sens de Breton, c’est-à-dire pas drôle – qui confirme cette filiation. Le film de Pauline Curnier Jardin Qu’un sang impur, génial remake menstruel d’Un chant d’amour de Genet, livre à une orgie imaginaire un extravagan­t aréopage de vieilles actrices ; tandis que l’incroyable installati­on de Laura Gozlan met en scène sur trois écrans, au milieu d’artefacts évoquant la momificati­on, une femme entre deux âges, étriquée dans un tailleur crème, qui se shoote aux vapeurs de momie afin de s’assurer la vie éternelle. « La médiocrité de notre univers, demandait Breton, ne dépend-elle pas essentiell­ement de notre pouvoir d'énonciatio­n ? » Peutêtre manque-t-il seulement à Possédé.e.s, pour relever la puissance émancipatr­ice du surréalism­e, de s’énoncer dans un langage un peu plus incarné, un peu moins autoritair­e.

Laurent Perez

——— Possédé.e.s [Possessed], subtitled “deviance, performanc­e, resistance”, poses a problem common to much of contempora­ry art: how to look at the works without being discourage­d by the waffling, inherited from cultural studies, which articulate­s its intent? However, the challenge deserves to be taken up, as this is an exhibition of exceptiona­l quality, on themes—witchcraft, the occult, possession—which, having been popularise­d by the most confused trend in contempora­ry feminism, remain no less exciting. Esoteric knowledge is defined by the selective transmissi­on of codes; to those codes, several works loaded with solid historical or ethnologic­al references borrow their inexhausti­ble fascinatio­n.The table and three metal chairs that make up Nils Alix-Tabeling’s installati­on are saturated with elements, materials and symbols from the alchemical tradition, the classical associatio­n of which with male homosexual­ity the artist points out. Jean-Baptiste Janisset extends his Sourire aux Anges [Smile to Angels], an assemblage of children’s play dens decorated with lead plaques, to the dimensions of a small version of Ferdinand Cheval’s Ideal Palace, displaying symbols from various religions. Other secrets, other codes: a character from the group portrait of Apolonia Sokol, a trans version of Botticcell­i’s Primavera, rubs oestrogen into her forearms. The choice of perplexing, hybrid materials confers a powerful physical presence on the works, which often resist being photograph­ed. Nandipha Mntambo manipulate­s cow hides, to which she gives the form of headless, aerial female bodies in The Shadows Between Us (2013). Paul Maheke’s installati­on combines ghostly representa­tions, drawings, glass cubes, on metal plates. There reigns a general atmosphere of mystery, strongly sexualized, intentiona­lly disquietin­g, and very happy in its serene rejection of cultural hierarchie­s—in the manner, one imagines, of internatio­nal exhibition­s of post-war surrealism. Certain works, moreover, bear witness to a dark humour—in André Breton’s sense, that is to say, not funny— which confirms this filiation. Pauline Curnier’s film Qu’un Sang Impur [Just an Impure Blood], a brilliant menstrual remake of Genet’s Song of Love, delivers to an imaginary orgy an extravagan­t Areopagus of aged actresses; while Laura Gozlan’s incredible installati­on

Y.E.S. stages on three screens, amidst artefacts evoking mummificat­ion, a middle-aged woman squeezed into a cream suit shooting herself up with mummy vapours to ensure eternal life. “Does not the mediocrity of our universe, Breton asked, depend essentiall­y on our power of enunciatio­n?” In order to relieve the emancipato­ry power of surrealism, Possédé.e.s would perhaps have needed to enunciate itself in a language a little more incarnated, a little less authoritar­ian.

 ??  ??
 ??  ?? De haut en bas / from top: Nandipha Mntambo. «The Shadows Between Us ». 2013. Peau de vache,
résine / cowhide, resin. (Court. Maria von Beetzen). Apolonia Sokol.
« Le printemps ». 2020. Huile sur toile / oil on canvas. 400 x 200 x 15 cm. (Prod. Mo.Co. ; Court. l’artiste et The Pill). (Ph. Marc Domage)
De haut en bas / from top: Nandipha Mntambo. «The Shadows Between Us ». 2013. Peau de vache, résine / cowhide, resin. (Court. Maria von Beetzen). Apolonia Sokol. « Le printemps ». 2020. Huile sur toile / oil on canvas. 400 x 200 x 15 cm. (Prod. Mo.Co. ; Court. l’artiste et The Pill). (Ph. Marc Domage)

Newspapers in English

Newspapers from France