Benoît Maire
Un cheval, des silex
Macula, 128 p., 15 euros
Artiste pluridisciplinaire, théoricien de ses pratiques tout en revendiquant la valeur de l’amateurisme pour les médiums qu’il emploie, Benoît Maire écrit ses textes comme il pense ses oeuvres, dans l’hétérogénéité des matériaux et la stupeur amusée face à ce qui se crée presque malgré lui. Publié à l’occasion de deux expositions à la galerie Nathalie Obadia et au Centre d’art contemporain Les Tanneries, Un cheval, des silex collige des textes de différentes natures écrits entre 2002 et 2020, entre poésie, philosophie, conférences et notes de travail. Assemblant ses objets en un vaste polyptique au statut difficilement déterminable, ses pièces, textuelles ou plastiques, posent des questions philosophiques, l’artiste mettant en tension des notions questionnées par Descartes, Kant, Kierkegaard, Lacan, Lyotard ou Badiou, et réélaborées par le truchement des oeuvres : par exemple, le différend entre dire et voir, le concept d’alternative, le sublime, ou la pertinence de l’affirmation d’art. « Pendant plusieurs années, expliquet-il, je voulais faire des peintures de un cheval, et non pas des peintures de chevaux, même s’il y en avait plusieurs. » Quel est le sens du trou du Nez de Giacometti ? Prolonge-t-il le doigt de Léonard de Vinci ? Comment désigner ce qu’il ya devant nous ? Comment réaccorder au déchet l’identité d’être de plein droit ? Peignant des nuages, Maire interroge la suspension du sens et l’au-delà de l’indexation référentielle, la peinture étant par essence lieu de l’apparaître pur, comme les poèmes composés sur smartphone : « Alors vient le temps de la signification et l’éternité est gâchée. » « L’oeuvre était pour fuir, elle valait un royaume, soudain elle acquiert le poids d’une obligation, le plus sûr moyen de gagner sa vie. »