PARIS Jean-Luc Moulène
Galerie Chantal Crousel / 22 octobre - 28 novembre 2020
Ce qui frappe d’emblée en découvrant la nouvelle exposition de JeanLuc Moulène (France, 1955), ce sont les figures de béton armé, posées debout ou à l’envers, à la dimension sexuelle patente. Progressivement cependant, des Objets aux factures variées s’imposent à leur tour, constituant le pendant souvent abstrait de ces pièces sidérantes que sont les Implicites, réalisées à partir de poupées gonflables retournées et remplies de béton. Ainsi, la Montagne pourpre, masse brillante aux lignes sinueuses, posée sur un socle au milieu de ces corps singuliers à taille humaine, est à la fois un repoussoir, un « attracteur » de regard et un amplificateur de tout ce qui résiste à notre entendement. En articulant la question du sexe à celle de l’abstraction, Moulène frappe juste et fort. Suivant un principe de « sculpture documentaire » qui part de formes existantes, son geste d’inversion met au jour, dans les plis et coutures du latex, dans les cavités et les excroissances décidées par le fantasme et l’usage, et dans les déformations imposées par la matière, tous les tourments du standard. S’y croisent l’industriel, l’organique et l’informe, que rejouent les sculptures en os comme les formes géométriques ou quelconques des salles attenantes. Quinze ans après les Filles d’Amsterdam et six ans après les Tronches, Moulène signe ici une exposition qui marque un nouveau jalon dans son oeuvre sculpturale, et qui fait la démonstration, magistrale, de la capacité de l’artiste à traduire la charge trouble et profonde des objets de notre monde.
Nathalie Delbard
——— What strikes you from the outset when you see Jean-Luc Moulène’s (France, 1955) new exhibition are the reinforced concrete figures, standing upright or upside down, with their obvious sexual dimension. Gradually, however, Objects of varied craftsmanship also emerge in turn, often as abstract counterparts to the astonishing Implicites, made from inflatable dolls turned upside down and filled with concrete. Thus the Montagne Pourpre [Purple Mountain], a shiny mass with sinuous lines placed on a pedestal in the middle of these singular bodies on a human scale, is at the same time a repeller, an attracter and an amplifier of everything that resists our understanding. By connecting the question of sex to that of abstraction, Moulène strikes accurately and forcefully. Following a principle of “documentary sculpture” that starts from existing forms, his gesture of inversion brings to light, in the folds and seams of the latex, in the cavities and excrescences decided by fantasy and use, and in the deformations imposed by the material, all the torments of the standard. Here the industrial, the organic and the shapeless intersect, and are echoed in the bone sculptures as well as in the geometrical and arbitrary forms in the adjoining rooms. Fifteen years after Filles d’Amsterdam [Amsterdam Girls] and six years after Tronches [Mugs, in the sense of “faces“], Moulène has signed here an exhibition that marks a new milestone in his sculptural work, and which demonstrates, masterfully, the artist’s ability to express the troubled and profound charge of the objects of our world.