Art Press

Arno Calleja

La Mesure de la joie en centimètre­s

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Vanloo, 96 p., 14 euros

C’est une histoire simple. Une histoire, juste. Celle d’un garçon « mystique grandement mystique », un garçon « seul avec des grandes forces cosmiques », et qui s’appelle Benoît. « Des voix de morts [lui] visitent en paroles le crâne. » Il a des conversati­ons avec ces forces cosmiques parlantes. Il les note dans des cahiers qu’il jette dès qu’ils sont remplis. Il vit seul au sixième étage d’un immeuble et ne semble connaître que Bertrand, un ami de collège perdu de vue puis retrouvé quinze ans après dans les rues de Marseille, où ils habitent tous les deux. C’est Bertrand qui parle. Il se met à écrire lui aussi dans un cahier, pour raconter les journées de Benoît et les choses de ses nuits à lui et les rafales de pensées et une histoire de fuite d’eau qui descend les étages de l’immeuble de Benoît et précipite les choses. Bertrand mesure tout : les étages, les distances, les personnes, leur taille, l’effet de sa posture au soleil en bord de mer quand il fume. La Mesure de la joie en centimètre­s est le cahier trouvé de Bertrand. Ce livre au si beau titre est le deuxième, aux jeunes éditions Vanloo, du poète Arno Calleja, mais le septième de cet auteur à la langue si singulière. Ici, elle paraît bégayer. Mais simplement elle bute et se répète à l’endroit du dire. Sans virgule, aucune. Un dire qui se dérègle mais qui ne s’arrête pas en chemin, qui continue sa route, bousculé par sa propre étrangeté et emporté par son propre mouvement. L’écriture se précise et se presse aux bords du fantastiqu­e. C’est presque du roman, presque plus de la poésie, et c’est aussi bien de ne pouvoir le classer, de ne pouvoir assigner cette langue joyeuse, bizarre et neuve et vive et étonnammen­t (au sens fort et philosophi­que de l’étonnement) puissante et musicale.

Sally Bonn

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