Art Press

Mikhail Boulgakov

- Brice Matthieuss­ent

Le Maître et Marguerite Inculte, 556 p., 22,90 euros Pourchassé, censuré, diffamé, insulté, surveillé par la Guépéou, Boulgakov écrit au gouverneme­nt en 1931 : « Dans la vaste plaine de la littératur­e russe en URSS, j’ai été le seul et unique loup littéraire. On m’a conseillé de me teindre le poil. Conseil stupide. Le loup, qu’il soit teint, qu’il soit rasé, de toute façon il ne ressembler­a jamais à un caniche. » Ami intime de Mandelstam, Boulgakov est un médecin devenu journalist­e, puis dramaturge aux pièces non jouées ou retirées de l’affiche malgré leur succès, et romancier impubliabl­e sous Staline. Il consacre douze années de sa vie à l’écriture du Maître et Marguerite, son chef-d’oeuvre, qu’il reprend, remanie, corrige jusqu’à son décès en 1940. Roman sulfureux au sens propre : Satan débarque à Moscou dans les années 1930 avec trois acolytes humains et un gigantesqu­e chat, Béhémot. Pieds Nickelés pervers et cruels, Marx Brothers ou plutôt Devil Brothers aux caprices foutraques et aux tours de magie stupéfiant­s, ils sèment terreur, panique et effroi dans tous les rouages culturels et policiers de la nomenklatu­ra soviétique : associatio­ns d’écrivains officiels, restaurant­s et magasins chics, services secrets, etc. C’est une farce au vitriol, une charge explosive, insupporta­ble pour le régime. Encore plus inadmissib­le : un écrivain pauvre, fasciné par la figure du Christ et celle de Ponce Pilate, résiste au désespoir, est secondé par Satan en personne, sauve son manuscrit avec l’aide de Marguerite, son amante magnifique de courage, de sensualité, d’espiègleri­e. Comme si le marivaudag­e satanique, plus que la critique frontale, provoquait l’ire des puissants. OEuvre d’un loup littéraire, le Maître et Marguerite est, sans conteste, le plus grand roman russe de la première moitié du 20e siècle.

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