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Galerie Xippas, 30 ans d’elle-même Xippas Gallery, 30 Years On

Xippas Gallery, 30 Years On

- Interview de Renos Xippas par Aurélie Cavanna

La galerie Xippas fête ses 30 ans. À cette occasion, à Paris, une exposition

en trois volets, 30 ans déjà !, parcourt son histoire à travers ceux qui l’ont faite :

ses quarante artistes. Deuxième volet du 10 avril au 29 mai 2021, le troisième du

5 juin au 31 juillet 2021. Entretien entre Paris et Punta-del-Este avec Renos Xippas, fondateur d’une galerie à son image : audacieuse, artisanale, cosmopolit­e.

Octobre 1990, vous ouvrez une galerie dans le Marais, qui n’était pas encore le Marais tel qu’on le connaît maintenant. C’était assez audacieux. D’où vous est venue cette idée ? Depuis 1974, j’étais marchand d’art spécialisé dans les surréalist­es. Je travaillai­s avec mon oncle, Alexandre Iolas, entre la Suisse et les États-Unis. J’étais en même temps le manager de Takis. Il avait plusieurs projets en France quand j’ai commencé à y vivre, notamment le bassin Takis à la Défense, à Paris. C’est Takis qui m’a encouragé à me lancer. Dans les années 1980, tout était plus facile, rien n’était cher. En visitant des locaux disponible­s dans le Marais, je suis tombé sur l’immeuble où se trouvait déjà, au rez-de-chaussée, la galerie Yvon Lambert, une de mes deux références à l’époque, avec la galerie Durand-Dessert. C’était un espace compliqué, réparti sur trois niveaux « autour » d’Yvon Lambert. Personne ne pensait qu’on pouvait en faire une galerie. Mais j’ai eu ce flair. En le visitant, Takis m’a dit : « C’est magnifique, tu le prends ! » Et le 19 octobre 1990, j’y ai ouvert la galerie avec une exposition Takis, évidemment.

J’ai commencé avec cette insoucianc­e d’un jeune qui se lance dans un métier de passion. Je ne connaissai­s ni la ville de Paris, ni le milieu parisien. On pariait que ma galerie n’allait pas tenir plus de 6 mois. En Grèce, tout le monde rigolait. J’étais le petit Grec qui était allé s’installer à côté d’Yvon Lambert ! Mes confrères à Paris me disaient de rentrer chez moi et de rester avec mes surréalist­es. Mais cette histoire se poursuit depuis 30 ans.

Quelles sont pour vous les étapes clés de cette histoire ? Ce sont les artistes que j’ai rencontrés. Depuis plus de 30 ans, je suis très ami avec Robert Irwin. Depuis presque 28 ans, avec Vik Muniz. Depuis 1990, avec Peter Halley. Trois artistes très importants pour la galerie. Puis il y a ceux qui sont venus au fur et à mesure, comme Philippe Ramette, qui m’ont donné beaucoup d’énergie.

Étant moitié grec moitié uruguayen, j’ai ensuite ouvert une galerie à Athènes, en 2003. Elle a duré une dizaine d’années mais, avec la crise, la Grèce était en piteux état. Je suis propriétai­re des murs, j’en ai fait un show room. Mes collection­neurs y vont régulièrem­ent. En 2005, je me suis lancé dans une autre aventure : le premier espace industriel de galerie en dehors de Paris, à Pacy-sur-Eure, à 60 km. 2000 m², c’était immense pour l’époque. Aujourd’hui, on y montre de grandes pièces et des installati­ons. Le lieu sert aussi de stockage.

RETOUR AUX SOURCES

Est-ce le même principe que l’espace à Punta-del-Este ouvert il y a un an ? C’est l’opposé. Pacy-sur-Eure est visité par des personnes qui viennent de Paris ou de l’étranger. À Punta-del-Este, elles sont au contraire de la région. J’ai compris que le futur des galeries serait des lieux décontract­és, là où les visiteurs sont dans une sorte de vacance, en short et en tongs, et très curieux d’aller dans une galerie au milieu d’une ferme de 6 hectares. J’y ai construit ma maison et un énorme espace, où il y a en ce moment une exposition encore plus grande que celle de Paris, avec quarante artistes, justement pour nos 30 ans. La galerie est ouverte sur rendez-vous. Sous une pergola, il y a toujours des petits saucissons, des fromages de la région, des olives, des bières, du vin. Beaucoup de ceux qui viennent se connaissen­t et utilisent notre galerie comme lieu de rencontre convivial. C’est très humain, et on vend très bien. En août 2020, toutes les galeries de New York ont commencé à prendre des espaces pop-up dans les Hamptons pour faire la même chose, à part qu’ici le lieu m’appartient.

Entre temps, en 2011, on a aussi ouvert à Genève. En 2019, on s’est associé à la galerie Baronian à Bruxelles, qui est devenue Baro

nian-Xippas avec, en décembre dernier, la création d’une antenne à Knokke. Il y a aussi la galerie de Montevideo, ma première en Uruguay, qui est beaucoup moins grande. Elle occupe le rez-de-chaussée d’un immeuble de 1890 classé monument de l’Unesco. C’est une activité culturelle pour la capitale, même si nos principaux collection­neurs achètent majoritair­ement à Punta.

Pourquoi l’Uruguay ? J’y ai vécu beaucoup d’années à partir de 1957. Le grec est ma langue maternelle, mais je maîtrise bien mieux l’espagnol. Je travaille dans des endroits qui me plaisent, où j’ai des amis, où je peux parler la langue. Évidemment, il y a un côté romantique, c’était un retour aux sources. Et je n’avais pas oublié que j’avais apprécié beaucoup d’artistes en Uruguay, en Argentine, au Brésil, ces trois pays qu’on appelle le Mercosur. Vik Muniz, artiste brésilien, m’a beaucoup encouragé, ainsi que des artistes argentins, que je soutiens énormément, des artistes uruguayens, comme Marco Maggi qui vit à New York et a exposé au New Museum, Waltercio Caldas, le plus important des artistes brésiliens, aussi représenté par la galerie. J’ai voulu ramener des artistes latino-américains en Europe et vice versa, des artistes européens et américains en Uruguay. C’est l’ADN de la galerie. Ici, j’ai fait venir Darren Almond, grand artiste anglais que je représente depuis des années, Yvan Salomone, superbe aquarellis­te français, pour un projet documentan­t tout l’Uruguay.

GALERIE ARTISANALE

Xippas est une des rares galeries généralist­es qui représente­nt des photograph­es, assez éclectique­s. Quand commencez-vous à vous y intéresser ? J’étais collection­neur de photograph­ie bien avant d’ouvrir ma galerie il y a 30 ans. À moi seul, j’aurai bientôt 50 ans d’activité. Boyd Webb, grand photograph­e au début des années 1980, ou Thomas Ruff, par exemple, étaient parmi ceux que j’ai collection­nés. Mon premier, c’était Henri CartierBre­sson. À la galerie, la plupart des photograph­es sont des sculpteurs. Vik Muniz a commencé par des sculptures, et c’est en les documentan­t avec la photograph­ie que ses idées lui sont venues. Aujourd’hui, même les scientifiq­ues sont scotchés devant ses images de grains de sable sur lesquels il dessine. Philippe Ramette n’est pas un photograph­e non plus, il se met en scène. On pourrait dire que Matthew Porter est photograph­e mais, en même temps, ses photograph­ies sont des

compositio­ns. 90 % des images que nous avons sont des staged photograph­ies, des mises en scène, toujours avec une pensée avant l’image. C’est différent de Cartier-Bresson, génie de l’observatio­n et de l’instant : une seconde avant, ça n’avait pas d’intérêt, une seconde après, non plus.

La galerie soutient aussi la scène française. Est-elle, comme on le dit, si compliquée à « exporter » ? C’est un plaisir d’exposer un artiste français dans une autre galerie que celle de Paris, d’investir pour lui à l’étranger, même si les ventes ne décollent pas immédiatem­ent. Ce n’est pas grave, faire une exposition ne va pas changer mes frais. Étant la plus artisanale des galeries de notre taille, on est très souple. Au total, j’ai 25 collaborat­eurs qui travaillen­t avec moi. En revanche, les grandes galeries, avec beaucoup de frais, qui vendent des pièces très chères, se posent la question. Développer un marché peut prendre cinq ou dix ans. Bien sûr, quand un artiste français entre dans une grosse galerie, comme Marian Goodman, tout le monde crie victoire. Je ne dis pas que je suis plus noble, c’est que je ne veux pas devenir une multinatio­nale de 300 personnes au détriment de ce qui m’intéresse. J’aime les rencontres et le dialogue, j’aime prendre le temps. Évidemment, il arrive que des artistes aient envie de passer à la vitesse supérieure, c’est normal. J’ai, par exemple, fait la carrière et créé le marché de Farah Atassi, que j’ai rencontrée dans son petit atelier en banlieue alors qu’elle sortait des beaux-arts. Sauf qu’à un moment donné, elle a eu besoin d’une plus grosse structure, d’une galerie à New York, à Londres, en Chine. Elle a quitté la galerie de Paris pour Almine Rech, mais on continue à travailler avec elle à Punta-del-Este et à Genève, en partageant le marché.

REFLETS D’UNE SOCIÉTÉ

Abstraits américains, artistes sud-américains, photograph­es, scène française, votre galerie reste singulière­ment fidèle à ce qu’elle défend. Est-ce difficile ? Je ne me préoccupe pas des modes. Je soutiens autant un photograph­e, même si la photograph­ie n’est plus à la mode – ça reviendra comme ça l’est devenu dans les années 1980 –, qu’un sculpteur, qu’un peintre ou qu’un performeur, comme Céleste Boursier-Mougenot qui m’épate à chaque fois. Qui va imaginer mettre sur des cordes de guitare des oiseaux qui vont produire de la musique ? Si tes frais sont gigantesqu­es, tu dois t’adapter au marché. Quand tu en as peu, tu peux te permettre d’être toi-même.

Je cherche toujours à être surpris par quelque chose que je ne connaissai­s pas. En général, ce n’est pas lié à l’actualité. Tous mes artistes ont une double lecture, leur travail a quelque chose d’intemporel. J’aime dire que l’artiste est un reflet d’une société mais pas qu’il le fasse explicitem­ent, comme dans ces « oeuvres de la pandémie » créées parce que nous sommes en pleine pandémie. Je soutiens ceux qui veulent une société plus juste mais profiter d’une actualité pour vendre une éthique, ce n’est pas de l’art pour moi et ce n’est pas ce que je vends. Il ne faut pas oublier qu’on est en train de parler d’argent. En tant que galeriste, la meilleure relation qu’on puisse avoir avec un artiste, c’est de le vendre. Il offre la moitié de son bien à sa galerie. En retour, tu dois faire tout ton possible pour rentabilis­er son travail. Je suis aux anges quand je peux téléphoner pour annoncer une vente.

Et les foires, comment ça se passe ? J’adore visiter les foires. Je suis membre du comité Paris Photo depuis une quinzaine d’années. Mais j’ai préféré ouvrir des galeries, pour pouvoir faire tourner des exposition­s, plutôt que d’aller dans des foires qui coûtent une fortune. Je suis totalement indifféren­t à l’histoire du grand collection­neur qui n’a que 10 minutes pour acheter des oeuvres avec ses conseiller­s. Les galeries de ma taille sont ravies quand elles entrent dans leurs frais. Elles n’ont

pas perdu d’argent, mais elles n’ont rien gagné. Certaines font vingt foires à l’année ! Mais courir entre Melbourne, Bahrain, Rio, Paris, ce n’est pas notre ADN. Miami est devenue une telle caricature par exemple : quinze foires en même temps où 90 % des visiteurs ne sont là que pour voir et être vus. Mais, derrière tout ça, il ne faut jamais oublier qu’il y a des personnes qui s’intéressen­t sincèremen­t à la création et la soutiennen­t en acquérant des oeuvres. Les véritables collection­neurs n’ont jamais disparu. Ils sont juste devenus une minorité parce que de nouveaux acheteurs sont apparus et ont monopolisé l’attention. Aujourd’hui, c’est la jeunesse qui produit de l’argent. Beaucoup achètent de l’art, c’est devenu un mode de vie. Et ce ne sont pas de grossiers spéculateu­rs.

Signalons aussi, du 13 mars au 29 mai 2021, à Paris, l’exposition Thomas Liu Le Lann, jeune artiste suisse entré en 2019 à la galerie Xippas.

The Xippas Gallery is celebratin­g its 30th anniversar­y. On this occasion in Paris a three-part exhibition, 30 Ans Déjà!

[30 Years Already!], looks back over its history through those who made it: its forty artists. Second part from April 10th to May 29th; the third, from June 5th to July 31st, 2021. Interview between Paris and Punta-del-Este with Renos Xippas, founder of a gallery in his own image: audacious, artisanal, cosmopolit­an.

October 1990 you opened a gallery in the Marais district of Paris, which had yet to become the Marais as we now know it. That was pretty daring. Where did the idea come from? Since 1974 I’d been an art dealer specializi­ng in Surrealist­s. I worked with my uncle, Alexandre Iolas, between Switzerlan­d and the United States. At the same time I was Takis’ manager. He had several projects in France when I started to live there, including the Bassin Takis at La Défense in Paris. It was Takis who encouraged me to take the plunge. In the 1980s everything was easier, nothing was expensive. While visiting available premises in the Marais, I happened upon the building where on the ground floor the Galerie Yvon Lambert was already located, one of my two references at the time, along with the Galerie Durand-Dessert. It was a complicate­d space, spread over three levels “around” Yvon Lambert. No-one thought it could be turned into a gallery. But I had that flair. When I visited it, Takis said to me: “It’s beautiful, take it!” And on October 19th, 1990, I opened the gallery, with a Takis exhibition, of course.

I started with the carefree attitude of a young man embarking on a job he loves. I knew neither the city of Paris nor the Parisian milieu. People bet that my gallery wouldn’t last more than 6 months. In Greece, everyone laughed. I was the little Greek boy who had gone to move in next to Yvon Lambert! My colleagues in Paris told me to go home and stick to my surrealist­s. But this story has gone on for 30 years.

BACK TO ROOTS

What do you see as the key milestones in this story? They’re the artists I’ve met. For more than 30 years I’ve been very good friends with Robert Irwin; for almost 28 years with Vik Muniz; since 1990 with Peter Halley. Three very important artists for the gallery. Then there are those who’ve come and gone, like Philippe Ramette, who have given me a lot of energy.

Being half Greek, half Uruguayan, I then opened a gallery in Athens, in 2003. It lasted about ten years but, with the crisis, Greece was in a pitiful state. I’m the owner of the walls, I turned them into a showroom. My collectors go there regularly.

In 2005 I embarked on another adventure: the first industrial gallery space outside Paris, in Pacy-sur-Eure, 60 km away. 20,000 sq ft, it was huge at the time.Today we show large pieces and installati­ons there, and it’s also used for storage.

Is it the same principle as the space in Punta-del-Este, opened a year ago? It’s the opposite. Pacy-sur-Eure is visited by people coming from Paris or abroad. In Punta del Este they’re on the contrary from the region. I’ve understood that the galleries of the future will be casual places, where visitors are

on a kind of holiday, in shorts and flip-flops, and very curious to go to a gallery in the middle of a 15-acre farm. I built my house and a huge space there, where there’s currently an exhibition even bigger than the one in Paris, with forty artists, just for our 30th anniversar­y. The gallery’s open by appointmen­t. Beneath a pergola there are always little salamis, local cheeses, olives, beers and wine. Many people who come know each other and use our gallery as a friendly meeting place. It’s very human, and we sell really well. In August, 2020 all the galleries in New York started setting up pop-up spaces in the Hamptons to do the same thing, except that here the place belongs to me.

In the meantime, in 2011, we also opened in Geneva. In 2019 we joined forces with the Galerie Baronian in Brussels, which became Baronian-Xippas, with the creation of a branch in Knokke-le-Zoute last December. There’s also the gallery in Montevideo, my first in Uruguay, which is much smaller. It occupies the ground floor of an 1890 building classified as a Unesco monument. It’s a cultural activity for the capital, even if our main collectors buy mainly in Punta.

Why Uruguay? I lived there for many years from 1957 onwards. Greek is my mother tongue, but I have a much better command of Spanish. I work in places I like, where I have friends, where I can speak the language. Of course there’s a romantic side to it, it was a return to my roots. And I hadn’t forgotten that I’d appreciate­d many artists in Uruguay, Argentina, Brazil, those three countries known as Mercosur. Vik Muniz, a Brazilian artist, encouraged me a lot, as well as Argentine artists, whom I support a tremendous amount; Uruguayan artists, such as Marco Maggi, who lives in NewYork and has exhibited at the New Museum; Waltercio Caldas, the leading Brazilian artist, also represente­d by the gallery. I wanted to bring Latin

American artists to Europe and vice versa, European and American artists to Uruguay. This is the gallery’s DNA. Here I brought Darren Almond, a great English artist whom I’ve represente­d for years; and Yvan Salomone, a superb French watercolou­rist, for a project documentin­g the whole of Uruguay.

ARTISANAL GALLERY

Xippas is one of the few generalist galleries that represent photograph­ers, quite eclectic. When did you start to take an interest in that? I was a photograph­y collector long before I opened my gallery 30 years ago. I’ll soon have been active for 50 years. Boyd Webb, a great photograph­er in the early 1980s, and Thomas Ruff for example, were among those I collected. My first was Henri Cartier-Bresson. At the gallery most of the photograph­ers are sculptors. Vik Muniz began with sculptures, and it was by documentin­g them with photograph­y that his ideas came to him. Today even scientists are riveted by his pictures of grains of sand upon which he draws. Philippe Ramette isn’t a photograph­er either, he stages himself. One could say that Matthew Porter is a photograph­er but, at the same time, his photograph­s are compositio­ns. 90% of the images we have are staged photograph­s, staged scenes, always with an idea prior to the image.This is different from Cartier-Bresson, a genius of observatio­n and of the moment: a second before, it wasn’t interestin­g, a second after neither.

The gallery also supports the French scene. Is it, as people say, so complicate­d to “export”? It’s a pleasure to exhibit a French artist in a gallery other than the one in Paris, to invest for them abroad, even if sales don’t

take off immediatel­y. It doesn’t matter, holding an exhibition isn’t going to change my expenses. Being the most artisanal of the galleries of our size, we’re very flexible. In total, I have 25 employees working for me. On the other hand, the big galleries, with a lot of expenses, which sell very expensive pieces, hesitate. Developing a market can take five or ten years. Of course, when a French artist enters a big gallery, like Marian Goodman, everyone cries victory. I’m not saying that I’m nobler, it’s that I don’t want to become a multinatio­nal of 300 people, to the detriment of what interests me. I like encounters and dialogue, I like to take time. Of course, sometimes artists want to move up a gear, that’s normal. For example, I made the career and created the market for Farah Atassi, whom I met in her small studio in the suburbs when she was coming out of fine arts school. Except that at one point she needed a bigger structure, a gallery in NewYork, London, China. She left the gallery in Paris for Almine Rech, but we continue to work with her in Punta-del-Este and Geneva, sharing the market.

REFLECTION­S OF A SOCIETY American abstracts, South American artists, photograph­ers, the French scene: your gallery remains singularly faithful to what it stands for. Is it difficult? I don’t worry about fashions. I support as much a photograph­er, even if photograph­y isn’t fashionabl­e any more—it’ll come back as it did in the 1980s— as a sculptor, a painter or a performer like Céleste Boursier-Mougenot, who amazes me every time. Who’s going to imagine putting birds on guitar strings to produce music? If your costs are gigantic, you have to adapt to the market. When you don’t have much, you can afford to be yourself.

I always try to be surprised by something I didn’t know about. Usually it’s not related to current events. All my artists have a double reading, their work has something timeless about it. I like to say that the artist is a reflection of a society but not that they are explicitly, as with those “pandemic works” created because we’re in the middle of a pandemic. I support those who want a fairer society, but taking advantage of current events to sell an ethic isn’t art for me, and it’s not what I sell. We mustn’t forget that we’re talking about money. As a gallery owner, the best relationsh­ip you can have with an artist is to sell them. They offer half of their property to their gallery. In return, you have to do everything you can to make their work profitable. I’m thrilled when I can call to announce a sale.

What about fairs, how do they work for you? I love visiting fairs. I’ve been a member of the Paris Photo committee for about fifteen years. But I’ve preferred to open galleries, to be able to run exhibition­s, rather than go to fairs that cost a fortune. I’m totally indifferen­t to the story of the great collector who has only 10 minutes to buy works with his or her advisers. Galleries of my size are delighted when they break even. They haven’t lost any money, but they haven’t gained anything. Some do twenty fairs a year! But running between Melbourne, Bahrain, Rio, Paris… isn’t in our DNA. Miami has become such a caricature, for example: fifteen fairs at the same time, where 90 % of the visitors are only there to see and be seen. But behind all this, we must never forget that there are people who are sincerely interested in creation, and support it by acquiring works. True collectors have never disappeare­d. They just became a minority because new buyers appeared and monopolise­d attention. Today it’s young people who are making money. Many buy art, it’s become a lifestyle. And they’re not crude speculator­s.

Translatio­n: Chloé Baker

 ??  ?? Matthew Porter. « Rikitea Island ». 2015. Tirage pigmentair­e, exposition­s multiples / archival pigment print, multiple exposure. 124,5 x 98 cm. (Court. l’artiste ; © Matthew Porter )
Matthew Porter. « Rikitea Island ». 2015. Tirage pigmentair­e, exposition­s multiples / archival pigment print, multiple exposure. 124,5 x 98 cm. (Court. l’artiste ; © Matthew Porter )
 ??  ?? Vue de l’exposition / exhibition view «Takis ». Galerie Xippas, Paris, 1990 (Toutes les images / all images: Court. Xippas)
Vue de l’exposition / exhibition view «Takis ». Galerie Xippas, Paris, 1990 (Toutes les images / all images: Court. Xippas)
 ??  ?? Philippe Ramette. « Socles à réflexion (Utilisatio­n) ». 1989-2002. Photograph­ie couleur / color photograph­y. 150 x 120 cm. (Court. l’artiste ; Ph. Alain Ramette)
Philippe Ramette. « Socles à réflexion (Utilisatio­n) ». 1989-2002. Photograph­ie couleur / color photograph­y. 150 x 120 cm. (Court. l’artiste ; Ph. Alain Ramette)
 ??  ?? Ci-contre / opposite: Peter Halley. « Another ». 2014. Roll-a-Tex et acrylique sur toile / acrylic on canvas. 166,3 x 134,6 x 10 cm. Ci-dessus /above: Thomas Liu Le Lann. « Boy Strange ». 2020. Acrylique sur toile de coton / acrylic on cotton canvas. 55 x 55 cm. (Ph. Julien Gremaud). (Court. les artistes)
Ci-contre / opposite: Peter Halley. « Another ». 2014. Roll-a-Tex et acrylique sur toile / acrylic on canvas. 166,3 x 134,6 x 10 cm. Ci-dessus /above: Thomas Liu Le Lann. « Boy Strange ». 2020. Acrylique sur toile de coton / acrylic on cotton canvas. 55 x 55 cm. (Ph. Julien Gremaud). (Court. les artistes)
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 ??  ?? De haut en bas / from top:
Xippas Punta-del-Este. (© Marcos Guiponi). Renos Xippas. (© Lucía Duran)
De haut en bas / from top: Xippas Punta-del-Este. (© Marcos Guiponi). Renos Xippas. (© Lucía Duran)
 ??  ?? Vik Muniz. « Equivalent - Cloud Pictures Series (The Rower) ». 1993. Tirage platine / platinum print.
26,5 x 33 cm. (Court. l’artiste)
Vik Muniz. « Equivalent - Cloud Pictures Series (The Rower) ». 1993. Tirage platine / platinum print. 26,5 x 33 cm. (Court. l’artiste)
 ??  ?? Also worth mentioning is theThomas Liu Le Lann exhibition in Paris from March, 13th to May, 29th 2021.The young Swiss artist joined the Xippas Gallery in 2019.
Marco Maggi. « Drawing Machine, ten possible starting points (yellow, blue, red) ». 2015. Crayons de couleur et cordes d’arc / color pencils and bowstrings. 158 x 271 x 18 cm. (Court. l’artiste ; Ph. Frédéric Lanternier)
Also worth mentioning is theThomas Liu Le Lann exhibition in Paris from March, 13th to May, 29th 2021.The young Swiss artist joined the Xippas Gallery in 2019. Marco Maggi. « Drawing Machine, ten possible starting points (yellow, blue, red) ». 2015. Crayons de couleur et cordes d’arc / color pencils and bowstrings. 158 x 271 x 18 cm. (Court. l’artiste ; Ph. Frédéric Lanternier)

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