Révolutions dans l’évolution, la nature inventée au 19e siècle Revolutions in Evolution
Qui, mieux qu’un philosophe, auteur notamment de Gloire et misère de l’image après Jésus-Christ
(ouvrage à découvrir dans notre prochain numéro) et mathématicien, pouvait nous aider à comprendre les enjeux de l’exposition les Origines
du monde, au musée d’Orsay : comment la géologie fait craquer la
conception chrétienne de notre monde, comment l’évolutionnisme
darwinien fait… évoluer nos modes de représentation, comment les découvertes scientifiques furent un défi relevé par l’imaginaire des artistes. Olivier Rey avait visité l’exposition alors qu’elle venait d’être accrochée, en décembre, en
compagnie de sa commissaire Laura Bossi. Nous ne souhaitons plus qu’une chose, c’est de pouvoir tous nous y précipiter lorsque
paraîtront ces pages.
n On sait la révolution qu’entraîna, en son temps, l’avènement du système de Copernic. Avec l’abolition de la distinction entre céleste et terrestre qui s’ensuivit, c’est l’ensemble de la pensée qui se trouvait bouleversé. Cette révolution dans la façon de se situer dans le monde fut suivie d’une autre, tout aussi considérable : celle qui se produisit à la fin du 18e siècle et au long du 19e siècle, qui toucha non plus la situation de la Terre dans l’univers, mais son âge et son peuplement. Installés que nous sommes dans le cadre qui s’est alors mis en place, nous oublions l’ampleur du bouleversement. Cette ampleur, l’exposition les Origines du monde nous la fait éprouver. À travers une production artistique marquée par les découvertes scientifiques, et soigneusement sélectionnée, elle nous fait mesurer les changements majeurs qui ont affecté alors notre rapport au monde. Elle nous montre également que la science moderne n’a pas seulement désenchanté le monde. Transitoirement au moins, en en révélant des aspects insoupçonnés, elle a nourri l’émerveillement et l’imagination.
L’EXPLOSION DE L’ARCHE DE NOÉ Selon la chronologie biblique, le monde était vieux d’environ 6 000 ans – James Ussher, évêque anglican d’Armagh, au 17e siècle, avait été plus précis : il avait calculé que le monde avait commencé 4 003 ans, 70 jours et 6 heures avant le début de l’ère chrétienne. À partir de la fin du 18e siècle, la géologie fit voler en éclats ce cadre temporel, en conférant à la Terre un passé immense, qui ne cessa de s’approfondir : dizaines, centaines de milliers de d’années, millions, milliards… La Terre elle-même a une histoire, titanesque. Entre autres conséquences : le partage, en art, entre peinture d’histoire et peinture de paysage, perd de sa netteté. Ainsi, lorsque Carl Gustav Carus peint les orgues basaltiques des monts de Zittau (1820), à la frontière entre la Saxe et la Bohême, ce qu’il donne à voir n’est pas un paysage curieux, mais l’affleurement d’un très lointain passé. Et, dans ces noces du romantisme avec la géologie, l’effroyable ancienneté des roches fait écho à ce que l’être humain qui les contemple a de plus profond en lui.
La chronologie biblique n’est pas seule à craquer : l’arche de Noé, elle aussi, explose. Le glissement progressif, au cours du 18e siècle, du type d’intérêt porté à la nature, de la curiosité à la « studiosité », promeut les inventaires, que la diversité des espèces ne cesse d’épaissir, et que l’exploration des contrées tropicales et équatoriales rend de plus en plus conséquents. D’une expédition de cinq ans aux Amériques, entre 1799 et 1804, Alexander
De haut en bas / from top: Carl Gustav Carus. « Paysage géognostique, Katzenköpfe à Zittau ». 1820. Huile sur toile / oil on canvas. 91,5 × 133 cm. (Staatsgalerie Stuttgart). Charles-Alexandre Lesueur. « Méduse Cyanea Lamarcki ». 1808-1810. Aquarelle sur vélin / watercolor on vellum. 44,1 x 28,5 cm.
(Ph. Muséum d’histoire naturelle, Le Havre)
von Humboldt et Aimé Bonpland rapportent 60 000 spécimens de plantes, dont des milliers appartiennent à des espèces jusque-là inconnues des botanistes, et des milliers de spécimens animaux. Un trait remarquable, chez Humboldt, est la combinaison d’une sensibilité à la nature tout entière (« ce qui est plus beau que ces merveilles prises en particulier, c’est l’impression que produit l’ensemble de cette nature végétale, puissante, exubérante, et cependant si douce, si facile, si sereine ») et de l’attention portée à chaque espèce, la conjonction de l’admiration et de la précision dans les notes et les mesures. L’alliance de la sensibilité esthétique et de l’observation méticuleuse se retrouve, à la même époque, dans une série admirable d’images botaniques et animalières, émanant soit d’artistes reconnus, comme Pierre-Joseph Redouté, soit de dessinateurs qui, par la façon dont ils s’acquittent de leur tâche, se révèlent des artistes, comme Charles-Alexandre Lesueur. Dans l’intérêt pour la nature qui inspire ces oeuvres, très différent des effusions romantiques, un certain positivisme se marie à l’émerveillement.
LA TRAÎNE DE PAON
Il y a quelque chose de terrible, quand on y pense : c’est au moment même où l’on se mettait à sonder la nature dans toute sa profusion et sa diversité que, avec la révolution industrielle et le colonialisme, s’enclenchait un processus de destruction à grande échelle. Au demeurant, certains de ceux qui inventorièrent le vivant offrirent, dans leur personne même, l’exemple d’une telle coïncidence. L’exposition donne à voir une des remarquables planches que, dans les premières décennies du 19e siècle, Jean-Jacques Audubon réalisa pour son inventaire par l’image des oiseaux d’Amérique du Nord. Eudora Welty, dans sa nouvelle A Still Moment, met en scène trois hommes – un prédicateur itinérant, un bandit, et Audubon, que le hasard a amené à cheminer une journée ensemble sur une piste du Mississippi. Une aigrette neigeuse, près du chemin, vient se poser – telle une grâce venue du ciel qui, soudain, suspend le mouvement des marcheurs. Des trois hommes, Audubon est le premier à reprendre ses esprits : se rappelant que « ce n’était pas de mémoire qu’il pouvait peindre », il tue l’oiseau d’un coup de fusil et le met dans sa gibecière (1).
L’étude du vivant et la géologie convergent dans la mise au jour des fossiles, témoi
gnages que la Terre fut autrefois peuplée de créatures étranges. Comme l’a justement remarqué l’écrivain G. K. Chesterton : « C’est une chose que de décrire la rencontre avec une gorgone ou un griffon, une créature qui n’existe pas. C’en est une autre que de découvrir que le rhinocéros existe bel et bien, et de prendre plaisir au fait qu’il a tout l’air d’une créature qui n’existe pas. » Ce qui vaut pour le rhinocéros (auquel l’exposition réserve une place de choix) vaut également pour les dinosaures qui, s’ils ne se rencontrent plus (comme bientôt les rhinocéros, du reste), ont réellement existé. Tandis que le rationalisme congédiait les créatures fantastiques, la science reconstituait, à partir de quelques restes, un nouveau bestiaire prodigieux – et plutôt féroce.
Après que le foisonnement des espèces eut fait éclater l’arche de Noé, le caractère historique des formes de vie, sur une terre au très long passé, accrédita l’idée qui était dans l’air depuis le 18e siècle : celle d’évolution. De plus, Charles Darwin apporta le mécanisme propre
à la produire, à savoir la sélection naturelle. Que 1859 soit à la fois l’année où Humboldt, auteur des Tableaux de la nature, s’éteignit, et l’année où Darwin publia l’Origine des espèces, est comme l’emblème d’une mutation qui s’opère – du descriptif à l’explicatif. Significatif du basculement, le changement de statut du paon : du point de vue descriptif, il était une merveille ; du point de vue explicatif, il devient un cauchemar. Dans une lettre de 1860, Darwin avoue que la vue d’une plume de paon le rend malade. Il ne s’agit plus, en effet, d’admirer, mais de réussir à comprendre comment une traîne aussi lourde et voyante a pu être sélectionnée par l’évolution.
Un autre grand effet de la théorie darwinienne fut de placer l’homme dans la continuité des animaux. Ce que la pensée médiévale, à vrai dire, faisait à sa manière, qui distinguait en l’âme humaine trois facultés : la faculté végétative, partagée avec les plantes, la faculté sensitive, partagée avec les animaux, et la faculté intellective. C’est la pensée moderne qui, en quelque sorte, « désanima » le monde en dehors de l’homme. Le traumatisme n’en fut que plus grand lorsque l’homme se trouva brusquement, par la théorie de l’évolution, relié au singe. Se posa alors en nouveaux termes la question des rapports de l’humanité à l’animalité. Dans certains cas, les animaux supérieurs, et en particulier les singes, purent être perçus comme des quasi-hommes. Le tableau de Gabriel von Max, qui sert d’affiche à l’exposition, va en ce sens, qui montre deux singes capucins tendrement enlacés, avec pour titre : Abélard et Héloïse (après 1900). Anthropomorphisme abusif ? Pas forcément si, comme l’affirmera le biologiste Konrad Lorenz, « c’est précisément dans leur façon de tomber amoureux que beaucoup d’oiseaux supérieurs et de mammifères se conduisent tout à fait comme des hommes » (2). Cela étant, la continuité établie par l’évolution entre hommes et animaux a plus souvent conduit à souligner, à rebours, la part de violence bestiale qui est en l’homme – une manière de contredire l’optimisme progressiste qui voulait que l’homme se civilisât au même rythme que sciences et technique progressaient. Des anthropoïdes du peintre František Kupka aux humains, la différence n’est que de surface. À contempler certaines toiles de la même époque, qui mettent en scène des êtres intermédiaires entre le singe et l’homme, une interrogation se fait jour : il se pourrait que le « floutage » de la figure humaine, suscité par la parenté avec le singe, ait joué son rôle dans l’émancipation de l’art moderne à l’égard des canons de la représentation « académique ». La présence de l’animal en l’homme produit des sentiments partagés : d’une part, une réaction de rejet, voire d’horreur, d’autre part, une fascination, voire une nostalgie. La sculpture d’Emmanuel Frémiet, qui montre un orang-outan occupé à étrangler un homme, est imprégnée de cette équivoque. La victime du singe, en effet, semble aussi abandonnée à son bourreau que les Sabines, dans les oeuvres passées qui les montraient enlevées par les Romains, l’étaient à leurs ravisseurs. Dans d’autres cas, la chimère homme-animal a clairement pour fonction d’exprimer, et de dénoncer, le règne perdurant des pulsions violentes au sein de l’humanité civilisée. Ainsi dans l’impressionnant tableau d’Arnold Böcklin, peint après la guerre de 1870, qui montre un combat de centaures, ou dans celui de Watts, où la figure du Minotaure, qui attend avidement les jeunes gens qu’Athènes doit chaque année livrer à son appétit, est une manière de mettre en cause les riches Londoniens de l’époque victorienne qui avaient recours à la prostitution enfantine. Une telle charge, cependant, n’est pas qu’accusatoire : le Minotaure (qui, dans son impatience, écrase un
oiseau sans même y prêter attention), apparaît moins comme un homme méchant que comme un homme prisonnier de son animalité, muré en elle.
DE DARWIN À REDON
Le biologiste Ernst Haeckel qui fut, durant les dernières décennies du 19e siècle et au début du 20e, un des plus fervents et influents partisans et continuateurs de la théorie darwinienne de l’évolution, concevait celleci comme un accomplissement de la façon dont Goethe voyait, en la nature, une incessante créatrice de formes. Il se passionna, en particulier, pour les radiolaires, organismes marins unicellulaires dont le microscope révélait les formes aussi diverses que stupéfiantes du squelette, dont il présenta de magnifiques dessins dans son ouvrage sur les Formes artistiques de la nature (1899). Sa vision de la « nature artiste » eut un impact considérable – à travers le nouveau répertoire de formes proposé et une conception de l’art comme processus organique inconscient. La continuité instituée par l’évolution entre les formes vivantes eut aussi pour effet, chez certains peintres, de stimuler l’imagination. L’évolutionnisme devint alors un aliment à l’onirisme, au fantastique, hors de toute vraisemblance scientifique, comme chez Odilon Redon dans son recueil de lithographies les Origines (1883), ou Alfred Kubin, dont certains mollusques monstrueux font penser aux êtres d’épouvante qui hanteront les oeuvres de Lovecraft.
Nous n’avons fait, tout au plus, que signaler quelques traits saillants de l’exposition les Origines du monde, si foisonnante que même son catalogue peine à en cerner les contours, et que l’on se demande comment il se peut que, en dépit de la multiplicité de courants qui la traversent, elle ait sa cohérence – comme les organes qui, pris séparément, semblent étrangers les uns aux autres et qui, ensemble, composent un organisme. Le mérite doit certainement en être attribué à son commissaire général, Laura Bossi. Si l’exposition n’a rien d’un parcours idiosyncrasique, où les éléments n’auraient d’autre raison à leur présence qu’un goût personnel, il n’en fallait pas moins une personne singulière pour frayer un chemin à travers une matière aussi exubérante, et faire circuler au long des salles un même flux vital. Cette exposition a une unité qui déborde tout cadre, comme la vie. n
(1) Voir Eudora Welty, The Wide Net and Other Stories (1943), publié en français sous le titre le Chapeau violet, trad. Sophie Mayoux, Cambourakis, 2017. Sur le même sujet, à propos du naturaliste Alfred Wallace, voir également le livre de Romain Bertrand, le Détail du monde (Seuil, 2019). (2) Il parlait avec les mammifères, les oiseaux et les poissons (1949), trad. Denise Van Moppès, Flammarion, 1968, p. 82.
Olivier Rey est chercheur au CNRS, membre de l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques. Il a enseigné les mathématiques à l’École polytechnique et enseigne aujourd’hui la philosophie à l’université Panthéon-Sorbonne. Il a publié récemment l’Idolâtrie de la vie (Gallimard, 2020) et Gloire et misère de l’image après Jésus-Christ (Conférence, 2020).
Joseph Mallord William Turner. «Tempête en mer avec une épave en feu ». Vers 1840. Huile sur toile / oil on canvas. 99,4 × 141,6 cm. (© Tate, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / Tate Photography) The revolution brought about by the advent of the Copernican system is well known. With the abolition of the distinction between the celestial and the terrestrial that followed, it was the whole of the thinking that was overturned. This revolution in the way of situating oneself in the world was followed by another, just as considerable: the one that occurred at the end of the 18th century and throughout the 19th century, which no longer concerned the situation of the Earth in the universe, but its age and its population. As we sit here in the framework that was then established, we forget the extent of the
upheaval.This magnitude, the exhibition Les Origines du Monde [The Origins of the World] allows us to experience. Through an artistic production marked by scientific discoveries, and carefully selected, it makes us measure the major changes that have affected our relationship to the world. It also shows us that modern science hasn’t only disenchanted the world. Transiently at least, by revealing unsuspected aspects of it, it has also nourished wonder and imagination.
NOAH’S ARK EXPLOSION
According to biblical chronology, the world was about 6,000 years old—James Ussher, the Anglican Bishop of Armagh in the 17th century, was more precise: he calculated that the world began 4,003 years, 70 days and 6 hours before the beginning of the Christian era. From the end of the 18th century onwards, geology shattered this time frame, giving the Earth an immense past, which never ceased to deepen: tens, hundreds of thousands of years, millions, billions... The Earth itself has a titanic history. Among other consequences: the division in art between history painting and landscape painting lost its sharp definition. Thus, when Carl Gustav Carus painted the basalt organs of the Zittau Mountains (1820) on the border between Saxony and Bohemia, what he showed wasn’t a curious landscape, but the outcrop of a very distant past. And in this marriage of romanticism with geology, the formidable age of the rocks echoes the deepest feelings of the human being who contemplates them. Biblical chronology wasn’t the only one to crack: Noah’s ark also exploded. The gradual shift during the 18th century of the type of interest in nature, from curiosity to “studiousness”, promoted inventories, which the diversity of species continued to expand, and which the exploration of tropical and
equatorial regions made more and more substantial. From a five-year expedition to the Americas between 1799 and 1804, Alexander von Humboldt and Aimé Bonpland brought back 60,000 plant specimens, thousands of which belonged to species hitherto unknown to botanists, and thousands of animal specimens. A remarkable feature in Humboldt’s work is the combination of a sensitivity towards nature as a whole (“still, more beautiful even than these individual miracles is the overall impression made by this powerful, lush and yet so gentle, exhilarating, mild vegetation”) and the attention paid to each species, the conjunction of admiration and precision in notes and measurements. The combination of aesthetic sensitivity and meticulous observation can be found at the same time in an admirable series of botanical and animal images, emanating either from recognized artists such as Pierre-Joseph Redouté, or from draftsmen who, by the way they carried out their task, revealed themselves to be artists, such as Charles-Alexandre Lesueur. In the interest in nature that inspired these works, very different from romantic gushing, a certain positivism is combined with wonder.
There is something terrible, when you think about it: it was at the very moment when we began to probe nature in all its profusion and diversity that, with the industrial revolution and colonialism, a process of largescale destruction began. In fact, some of those who inventoried the living offered, in their very person, the example of such a coincidence.The exhibition shows one of the remarkable plates that Jean-Jacques Audubon produced in the first decades of the 19th century for his inventory of the birds of North America. Eudora Welty, in her short story A Still Moment, depicts three men—an itinerant preacher, a bandit, and Audubon himself—, whom chance led to walk a day together on a Mississippi trail. A snowy egret, close to the path, comes to land—like a grace from heaven that suddenly suspends the movement of the walkers. Of the three men, Audubon is the first to come to his senses: remembering that “it wasn’t from memory that he could paint”, he kills the bird with a shotgun and puts it in his satchel. (1)
The study of life and geology converge in the discovery of fossils, evidence that the Earth was once populated by strange creatures. As the writer G. K. Chesterton rightly remarked: “It is one thing to describe an interview with a gorgon or a griffin, a creature who does not exist. It is another thing to discover that the rhinoceros does exist and then take pleasure in the fact that he looks as if he didn't.” What is true for the rhinoceros (to which the exhibition gives pride of place) is also true for the dinosaurs, which, although they may no longer be found (as indeed will soon be the case for rhinos), have actually existed. While rationalism dismissed fantastic creatures, science reconstructed from a few remains a new, prodigious—and rather fierce—bestiary.
PEACOCK TRAIL
After the abundance of species had caused Noah’s Ark to burst, the historical character of life forms on a land with a very long past substantiated the idea that had been in the air since the 18th century: that of evolution. Moreover, Charles Darwin brought the mechanism to produce it, namely natural selection. That 1859 is both the year Humboldt, author of the Views of Nature, passed away, and the year Darwin published On the Origin of Species, is like the emblem of a mutation taking place—from the descriptive to the explanatory. Indicative of the changeover, the change in status of the peacock: from the descriptive point of view, it was a marvel; from the explanatory point of view, it became a nightmare. In a letter of 1860, Darwin confessed that the sight of a peacock’s feather made him ill. Indeed, it was no longer a question of admiring, but of understanding how such a heavy and conspicuous train could have been selected by evolution.
Another major effect of Darwinian theory was to place humankind in the continuity of animals. Which medieval thought, in fact, did in its own way, distinguishing in the human soul three faculties: the vegetative faculty, shared with plants, the sensory faculty, shared with animals, and the intellectual faculty. It was modern thought that somehow “de-animated” the world outside of humanity. The trauma was all the greater when humans suddenly found themselves, through the theory of evolution, linked to
the apes. The question of humanity’s relationship to animality was then posed in new terms. In some cases, the higher animals, and in particular the apes, could be perceived as near-human. Gabriel von Max’s painting, which serves as a poster for the exhibition, is along these lines, showing two Capuchin monkeys tenderly embracing, with the title: Abelard and Heloise (after 1900). Abusive anthropomorphism? Not necessarily if, as the biologist Konrad Lorenz asserts, “in this connection, many higher birds and mammals behave in exactly the same way as the human being”. (2) This being said, the continuity established by evolution between humans and animals has more often led to emphasizing, in reverse, the part of bestial violence that is in humans—a way of contradicting the progressive optimism that wanted humanity to become civilized at the same pace as science and technology progressed. From the anthropoids of the painter František Kupka to humans, the difference is only superficial. If we look at some paintings from the same period, which depict beings in between ape and human, we can see that the “blurring” of the human figure, caused by the relationship with the ape, may have played a role in the emancipation of modern art from the canons of “academic” representation.
FROM DARWIN TO REDON
The presence of the animal in man produces shared feelings: on the one hand, a reaction of rejection, even horror; on the other, fascination, even nostalgia. Emmanuel Frémiet’s sculpture, which shows an orangutan strangling a man, is imbued with this equivocation.The victim of the monkey, in fact, seems as abandoned to his executioner as the Sabines, in past works showing them being abducted by the Romans, were abandoned to their captors. In other cases the human-animal chimera clearly has the function of expressing and denouncing the continuing reign of violent impulses within civilized humanity. Thus in Arnold Böcklin’s impressive painting, painted after the war of 1870, which shows a battle of centaurs, or in that of Watts, where the figure of the Minotaur, who eagerly awaits the young men with whom Athens must each year indulge its appetite, is a way of implicating the rich Londoners of the Victorian era who resorted to child prostitution. Such a charge, however, isn’t only accusatory: the Minotaur (who, in his impatience, crushes a bird without even paying attention to it), appears less as a wicked man than as a man prisoner of his animality, walled up in it.
The biologist Ernst Haeckel, who in the last decades of the 19th century and the early 20th was one of the most fervent and influential proponents and continuers of the Darwinian theory of evolution, saw it as a fulfillment of Goethe’s view of nature as an incessant creator of forms. He was particularly fascinated by radiolaria, single-celled marine organisms the skeletal forms of which were revealed under the microscope in astonishingly diverse ways, magnificent drawings of which he presented in his book on the Art Forms in Nature (1899). His vision of “nature as artist” had a considerable impact—through the new repertoire of forms offered and a conception of art as an unconscious organic process.
The continuity established by the evolution of living forms also had the effect of stimulating the imagination of some painters. Evolutionism then became food for dreaming, for fantasy, beyond all scientific verisimilitude, as in Odilon Redon’s collection of lithographs Les Origines (1883), and Alfred Kubin, whose monstrous molluscs are reminiscent of the beings of horror that haunt Lovecraft’s works.
We have, at most, merely pointed out a few outstanding features of the exhibition Les Origines du Monde, which is so abundant that even its catalogue struggles to define its contours, and one wonders how it can be that, despite the multiplicity of currents that run through it, it has its coherence— like the organs that, taken separately, seem foreign to one another and that, together, make up an organism. The merit must certainly be attributed to its chief curator, Laura Bossi. If the exhibition is no idiosyncratic journey, where the elements have no other reason for their presence than a personal taste, a singular person was nevertheless needed to trace a way through such exuberant material, and to make the same vital flow circulate through the rooms. This exhibition has a unity that goes beyond any framework, like life.