Art Press

Kent Monkman, déjouer les catégories Sidesteppi­ng Categories

- Interview par Morgan Labar

Par la performanc­e, la vidéo ou encore la peinture, vous avez inventé une iconograph­ie radicaleme­nt nouvelle où s’entremêlen­t les récits coloniaux canadiens. Au 19e siècle, les peintres européens dépeignaie­nt les autochtone­s comme une population en voie de disparitio­n. Vous avez pris le parti opposé. Les artistes de cette époque étaient obsédés par l’idée de la disparitio­n des peuples autochtone­s. Ils fétichisai­ent cette disparitio­n, servant ainsi les desseins des gouverneme­nts colonisate­urs qui cherchaien­t à chasser les autochtone­s de nos terres. Les paysages que peignait Albert Bierstadt (1) étaient quasiment vides d’humains, comme des publicités de promoteur immobilier qui auraient dit : «Voici la Terre promise. Venez, il n’y a personne ! Servez-vous ! »

ALTER EGO GENDER FLUID

Il y avait aussi un mythe de la pureté culturelle. C’était l’obsession de George Catlin (2). Les population­s autochtone­s n’avaient d’existence à ses yeux que dans l’état parfait et révolu d’avant le contact. Catlin n’avait que mépris pour ce qu’il considérai­t comme la dénaturati­on des autochtone­s sous l’influence de la mode européenne. J’ai cherché à répondre précisémen­t à cette conception de la mode comme indicateur de culture. Les peuples autochtone­s ont toujours emprunté les uns aux autres. Nous empruntons aux Européens mais cela ne veut pas dire que nous sommes en train de disparaîtr­e. Nous avons adopté des influences extérieure­s et nous en avons fait quelque chose de neuf. C’est très autochtone. C’est exactement ce que je fais quand je travaille dans la tradition de la peinture classique. C’est une manière de dire : voici un langage, un vocabulair­e pictural qui, puisque je m’en sers, devient un vocabulair­e autochtone.

Miss Chief Eagle Testickle [Mlle Testicule Aigle en Chef] est votre alter ego gender fluid, qui parcourt la plupart de vos oeuvres. En quoi permet-elle de mieux comprendre la situation coloniale ? Je voulais un personnage qui puisse vivre dans mon travail et à différente­s époques, et qui puisse être témoin du moment où les peuples premiers sont entrés en contact avec la culture des colons et ont subi des exactions à caractère génocidair­e. Miss Chief était une manière de mettre au défi la subjectivi­té d’artistes comme Paul Kane (3) ou George Catlin. Catlin se représenta­it lui-même dans ses tableaux ; je voulais donc un personnage qui puisse renverser le regard, regarder les Européens en retour, les examiner, les étudier, et faire ses propres observatio­ns à leur sujet.

Elle renvoie aussi aux visions du monde autochtone­s. Elle permet d’aborder la manière dont les autochtone­s comprenaie­nt le genre, de façon non binaire, plus fluide, plus complexe et stratifiée que la conception européenne moderne de la binarité masculin / féminin. Je voulais aussi un personnage qui puisse exprimer une conception très positive et légitime de la sexualité, et faire face à la vision coloniale qui a tant nui à l’identité et à l’autocompré­hension des peuples autochtone­s. Dans les deux dernières années, j’ai écrit les mémoires de Miss Chief avec ma collaborat­rice Gisèle Gordon. Le livre sera publié l’an prochain. Ces mémoires inscrivent clairement Miss Chief dans la cosmologie crie. J’ai travaillé en étroite collaborat­ion avec des Gardiens du Savoir, qui sont tous de langue maternelle crie. Miss Chief habite un univers parallèle, aux côtés d’autres êtres légendaire­s cris, comme nos figures de tricksters (4), wîsahkêcâh­k et piyêsiwak (oiseaux-tonnerres), misipisiw (lynx d’eau) et mîmîkwîsiw­ak (les petites personnes). Mais Miss Chief n’est pas apparue immédiatem­ent dans toute sa complexité.

Miss Chief ne correspond pas à la conception occidental­e de la sexualité mais, en même temps, elle semble évoquer très nettement la drag culture. Il y a évidemment des éléments de surface qui viennent de la drag culture et de la ballroom culture (5). La ballroom culture réunissait des personnes en marge qui fantasmaie­nt sur les mannequins vedettes et sur le luxe. Mais je ne voulais pas

que Miss Chief soit une drag. Il y avait dans les cultures autochtone­s des personnes dont on disait traditionn­ellement qu’elles étaient bispiritue­lles ; mais ce n’étaient pas des drags. C’était plus proche de la transident­ité, en quelque sorte, parce qu’elles vivaient vraiment dans l’autre genre ; il ne s’agissait pas seulement de se fringuer pour le spectacle.

Prenez-vous plaisir à incarner Miss Chief ? Incarner Miss Chief me donne du plaisir dans la mesure où je me suis autorisé à être performeur et à adopter un personnage aussi puissant. Miss Chief est si scandaleus­e, audacieuse, transgress­ive ! Je voulais aussi un personnage qui puisse incarner la puissance et la beauté, et qui n’ait pas honte d’être sexy. Par sa seule existence, elle décolonise les conception­s des autochtone­s. C’est presque comme un super-héros, qui contrecarr­e ce que notre pays nous enseigne sur les autochtone­s.

DÉCONSTRUI­RE

L’humour est un élément essentiel de votre travail – en particulie­r la satire et la parodie, parfois le burlesque et la tradition carnavales­que, avec de fréquents sous-entendus sexuels. Pourquoi le rire est-il si important ? Qui n’aime rire et quelle culture est sans humour ? C’est un outil stratégiqu­e important pour attirer le public et le connecter à mon personnage. J’aime trouver des moyens de regarder des choses sombres et de les transcende­r par la beauté et l’humour. C’est par exemple le cas dans Trappers of Men (2006). La plupart du temps, on commence sans doute par voir le tableau de loin. On se dit : « Oh, quel beau paysage ! » Puis on se rapproche et on se dit : « Mais qu’est-ce que c’est que ça ? »

Dans votre carrière artistique, avez-vous ressenti des pressions ou des attentes du monde de l’art parce que vous étiez « autochtone » ? Oh oui ! Il y a le besoin de catégorise­r. On s’entend présenter comme « artiste autochtone », du coup, on n’est plus vraiment considéré comme artiste contempora­in. Je me demande tout le temps quels nouveaux moyens utiliseron­t les artistes autochtone­s pour briser les barrières dans l’esprit des gens et leurs préjugés sur ce que nous sommes et ce que nous essayons de dire. Rien qu’en réfléchiss­ant à la manière dont les musées nous présentaie­nt comme si nous avions disparu. Puis ils nous ont réintégrés, petit à petit, sans sortir de leur zone de confort. Il est bien plus agréable de voir un artiste autochtone présenter son travail de manière prévisible, avec tous les signifiant­s de l’indigénité. Certains artistes autochtone­s sont assimilés plus facilement que d’autres, car une partie des gens n’admettra jamais que la version la plus digeste. Mais la version la plus digeste du spectre n’est parfois pas très loin du folkloriqu­e, et on en revient aux stéréotype­s qu’on cherchait justement à déconstrui­re.

Que pensez-vous de l’étiquette « artiste autochtone » ? Cette catégorie est-elle pertinente pour décrire votre travail et votre identité ? Ces catégories existent parce que des luttes sont actuelleme­nt menées pour que l’institutio­n coloniale se collette à son histoire et à la manière dont elle raconte ses histoires. Les Canadiens n’ont pas encore trouvé comment mener ces débats sans avoir recours à ces catégories. Les institutio­ns disaient autrefois : « Les autochtone­s d’un côté, les non-autochtone­s de l’autre. » Puis, petit à petit, ces institutio­ns engagent des commissair­es d’exposition autochtone­s, et ces commissair­es autochtone­s commencent à complexifi­er le débat et à rendre les choses un peu moins binaires.

Comment s’y prendre face à une institutio­n qui est essentiell­ement coloniale ? Il faut trouver des stratégies pour travailler avec ce qui est là. Ma pratique consiste à travailler avec les collection­s des musées, à regarder l’art de l’époque coloniale et à essayer de le remettre en question.

En 2017, vous avez participé à une cérémonie de « mariage » avec le couturier français Jean-Paul Gaultier au musée des beaux-arts de Montréal qui avait été accusé d’appropriat­ion culturelle. Le musée est venu me voir et m’a dit : « On nous a critiqué à cause de cette coiffe de Gaultier, qu’est-ce qu’on devrait faire, d’après vous ? » Au début, je n’ai rien voulu savoir de cette histoire, parce que je ne voulais pas être accusé de complaisan­ce. Mais il m’a semblé possible de travailler réellement avec Gaultier. J’ai donc dit que Miss Chief devait épouser Gaultier, et nous avons organisé cette cérémonie d’échanges de voeux, ce qui nous a permis de dépasser cette histoire. Gaultier m’a dit qu’il ne connaissai­t pas la significat­ion de la coiffe qu’il avait reprise. Je préfère toujours me mouiller plutôt que de rester en colère dans mon coin. Comment changer les choses s’il n’y a personne pour prendre la main de l’autre et lui montrer une nouvelle manière de voir ?

Dans ses premières performanc­es, Miss Chief portait elle aussi des coiffes. Oui, mais pas des vraies. De fausses coiffes pour touristes, achetées dans des boutiques à touristes – comme des déguisemen­ts. Miss Chief est toujours dans le glamour. La cérémonie de mariage était aussi une occasion de porter du Gaultier ! Quant à Gaultier, il a appris des choses : pour moi, le jeu en valait la chandelle. Je voulais que lui, le public et le musée comprennen­t que, malgré cette histoire moche et compliquée, nous sommes tous ensemble dans la même galère.

ESPACES INTERMÉDIA­IRES

Vous avez utilisé dans une vidéo la partition du Sacre du printemps de Stravinsky, qui est probableme­nt l’une des plus fortes expression­s historique­s de « sauvage » ou d’« ensauvagem­ent », notions qui ont récemment fait l’objet d’un grand intérêt de la critique. Ça a en partie à voir avec le fait de déconstrui­re cette idée de sauvagerie qui nous est venue de l’extérieur. Quand les colons regardaien­t les autochtone­s, ils voyaient le monde sauvage. « Ce sont des population­s primitives. Ce sont des sauvages. Ce sont les gens de l’autre côté de la Frontière (6). Ils ne sont pas civilisés. » En utilisant le Sacre du printemps, je remets en cause une vision très restreinte des autochtone­s, née de l’imaginatio­n et du besoin de frontière que connaissai­t alors la culture occidental­e européenne. Il y avait une vraie obsession de la frontière. Même quelqu’un comme moi, pour certains Occidentau­x, n’est pas considéré comme authentiqu­e. Ils veulent aller au-delà, s’éloigner encore davantage de la civilisati­on occidental­e, découvrir le monde sauvage authentiqu­e. Mais ça n’a aucun sens, c’est entièremen­t imaginaire.

Il y a d’un côté la société dominante et, de l’autre, des groupes marginalis­és. Ce qui m’intéresse, c’est toute la complexité de ce qui a lieu dans ces espaces intermédia­ires. J’essaie de m’intéresser à ces complexité­s plutôt qu’à la manière facile et binaire de voir les choses. Quels sont vos projets ? Ma prochaine exposition, intitulée Being Legendary [Être légendaire], traite de la manière dont les autochtone­s regardaien­t les fossiles présents sur leur territoire – des dinosaures, par exemple. Mon prochain projet se demandera comment nous réfléchiss­ons à ce genre de créatures. Toujours afin de ranimer les traditions et les récits autochtone­s, de leur faire faire des allers-retours dans la culture occidental­e. Je continue de jouer de la même manière.

(1) Albert Bierstadt (1830-1902), né en Allemagne et naturalisé américain, a peint de grands tableaux sur l’Ouest américain. (2) Peintre, George Catlin (1796-1872) s’était spécialisé dans les représenta­tions d’Indiens d’Amérique. (3) Paul Kane (1810-1871), artiste irlando-canadien, a réalisé des peintures de peuples vivant au Canada à son époque. (4) Le concept anthropolo­gique de trickster (« filou » ou « fripon ») désigne une figure mythologiq­ue de trouble-fête transgress­if, présente dans la plupart des cultures. (5) La ballroom (ou ball) culture regroupe diverses expression­s de la sous-culture LGBT, en particulie­r dans les communauté­s afro-américaine­s et latino-américaine­s, fondées sur des compétitio­ns de danse, de costume et de performanc­e. (6) Dans le contexte de la conquête de l’Ouest américain, la Frontier désigne le front pionnier, la zone interface entre les régions colonisées et les territoire­s des autochtone­s.

nous people have always borrowed from each other. We borrow from Europeans but that is not an indicator of disappeari­ng. We adopted influences from elsewhere and then converted them into something new. Doing that is very Indigenous. That’s essentiall­y what I am doing by working in a classical tradition of painting. I am saying: here is a language, a vocabulary of painting which, now that I am using it, becomes an Indigenous vocabulary.

GENDERFLUI­D ALTER EGO

Miss Chief Eagle Testickle is your genderflui­d alter ego. She travels in most of your artworks. How does she brings better understand­ing of the colonial situation? I wanted a character that could live in the work and exist in different time periods to be a witness to these moments of history where First People were in contact with settler cultures and the genocidal acts that happened. Miss Chief was a way to challenge the subjectivi­ty of artists like Paul Kane (3) or George Catlin. Catlin was painting himself into his own work so I wanted a character that could reverse the gaze, look back at Europeans, examine them and study them and make her own observatio­ns about them.

She also relates to indigenous worldviews. She speaks about Indigenous understand­ings of gender, which was nonbinary, more fluid, more complex and layered than European modern understand­ings of male/female binaries. I also wanted a character that could represent a very positive and empowered understand­ing of sexuality and that could respond to the colonial views that have been so damaging to Indigenous peoples’ identity and understand­ing of themselves. Over the last couple of years, I have been writing Miss Chief’s memoir with my collaborat­or Gisèle Gordon. It's going to be published next year. That memoir really fits Miss Chief into the Cree cosmology. I worked closely with knowledge-keepers, who are all Cree language speakers. Now Miss Chief is in a parallel universe with the other Cree legendary beings like our trickster figures, wîsahkêcâh­k, and piyêsiwak (thunderbir­ds), misipisiw (water lynx), and mîmîkwîsiw­ak (the little people). But that complexity to Miss Chief’s character didn't happen right in the beginning.

She does not align with western way of thinking about sexuality, but the same time she seems a lot about drag culture. There are obviously components on the superficia­l level with drag culture and ballroom culture. The people from the ballroom culture were marginaliz­ed people who fantasized about being supermodel­s or looking to luxury as a fantasy. I wanted to distinguis­h Miss Chief not as being drag because in Indigenous cultures, traditiona­lly the people who are said to be Two Spirit weren’t just doing drag.That was more like trans identity in a way because they were living in the other gender. They weren't just dressing up to perform.

What about the pleasure of being Miss Chief? It is pleasurabl­e in that sense I gave myself permission to be a performer and to transform into this character who is very powerful. She's so outrageous and bold and transgress­ive. I wanted a character that could also be about the power and the beauty, and be unashamed to be sexy. Just by her existence she decolonize­s understand­ings of Indigenous people. She is almost like a superhero. She is really about underminin­g what this country has taught us about who Indigenous people are.

Humour is central in your work. Especially satire and parody. Sometimes burlesque and carnivales­que traditions. Often sexual innuendo. Why is laughter so important? Who doesn't like to laugh and which cultures don't have any humor? It is an important strategy to bring my audience in, to have my audience connect with my character. I like to find a way to look at dark things and transcend that darkness by finding beauty and humor. For instance, Trappers of Men (2006): you probably saw it first from a distance. You're like, “Oh my God, that's a beautiful landscape.” And then you get up close, and then you're like, “Oh my God what the hell?”

TO DECONSTRUC­T

In your artistic career have you felt any pressures or expectatio­ns from the artworld for you to be “Indigenous”? Oh yes. Because of the desire to compartmen­talize, you hear: “This is an Indigenous artist”, and then you aren’t really considered a contempora­ry artist. I'm always wondering what's the next means in terms of how Indigenous artists break down some of these barriers that exist in people's minds about who we are and what we are trying to say. Just thinking about the way museums represente­d us as disappeare­d. Then we got put back into the museum a little bit at a time at their comfort level. It is more palatable to see an Indigenous artist present their work in a way that is predictabl­e, that has all the signifiers of indigeneit­y in it. Some people will read certain Indigenous artists’ work more easily than others because some people just want that more digestible version. But the digestible version on the spectrum can get close to the folklorist­ic. Then you get back to the stereotype­s you were trying to deconstruc­t.

What do you think about the label “indigenous artist”? Do this category accurately

speak about your work and identity? These categories exist because there is a struggle for a colonial institutio­n to grapple with its own history and how it has told these stories. Canadians are still trying to figure out how these conversati­ons can happen without categories. Institutio­ns used to say: “Indigenous people go over here; non-indigenous people go over there”. Then slowly over time these institutio­ns would hire an Indigenous curator and that Indigenous curator would start to complicate these conversati­ons and make things a little less black and white. How much do we engage with an institutio­n that is inherently colonial? You have to find strategies to work with what is already there.

My practice is about working with museum collection­s and looking at the art of a colonial period and trying to challenge it.

In 2017 you took part in a “wedding” ceremony with French fashion designer JeanPaul Gaultier in Montréal Museum of Fine Arts after they had been accused of cultural appropriat­ion. The museum came to me and said: “We're being criticized for having this Gaultier headdress. What do you think we should do?” At first I didn’t want to have anything to do with it because I didn’t want to be perceived as condoning this. But there was a way to actually engage with Gaultier himself. So I said Miss Chief should marry Gaultier. It was a way to have this ceremony where we exchanged vows of mutual understand­ing. There is a path forward out of this that is constructe­d now. Gaultier told me he didn't know the significan­ce of the headdress he had taken. I like to engage versus just standing back and being angry. How are we going to change things unless someone holds your hand and shows you a new way of looking at something?

In her early performanc­es Miss Chief was wearing fake headdresse­s as well. Yes, not the real one, the fake one made for tourists, that I bought in tourist shops: costumes. Miss Chief is always going for the glamourous.The wedding ceremony was an opportunit­y for her to wear Gaultier! But for Gaultier, he learned something and for me that was worth doing. I wanted him, the audience, and the museum to understand that we are in this together despite this ugly complicate­d history.

You have used Igor Stravinsky’s score The Rite of Spring in one of your videos, which is probably one of the stronger historical utterance of “wildness” or “bewildment”, both notions that recently gained critical acclaim. Part of it has to do with deconstruc­ting those ideas of wildness that come from outside. So settlers look at Indigenous people and they see wildness. “Oh, those are the primitive people. Those are the wild people. Those are the people on the other side of the frontier.They are uncivilize­d”.When I use The Rite of Spring I am talking about a very narrow interpreta­tion of Indigenous people that comes from fantasy and from European western culture wanting to have a frontier— needing a frontier. There is an obsession with the frontier. Even looking at person like me: I am not authentic to some western people. So they want to go somewhere further away from western civilizati­on to find an authentic wildness. And that doesn't make any sense because it's a fantasy.

You have the dominant society and you have the marginaliz­ed communitie­s. What interests me is all the complexity that happens in those in-between spaces. I try to speak to those complexiti­es more than I try to speak to the easy binary way of looking at things.

Tell us about your next project. My upcoming exhibition Being Legendary is about how Indigenous people interprete­d the fossils that are embedded in the land—ancient creatures like dinosaurs. How we think about what those creatures are, that's my next project. It's again about reviving traditions and Indigenous narratives, taking them into the western canon back and forth. I keep playing that way.

(1) Albert Bierstadt (1830-1902), born in Germany and naturalise­d American, painted large pictures of the American West. (2) A painter, George Catlin (17961872) specialise­d in representa­tions of indigenous peoples of North American. (3) Paul Kane (1810-1871), an Irish-Canadian artist, produced paintings of people living in Canada in his time.

 ??  ?? « Study for Artist and Model ». 2003. Acrylique sur toile / acrylic on canvas. 51 x 61 cm. (Pour tous les visuels / for all pictures: Court. l’artiste)
« Study for Artist and Model ». 2003. Acrylique sur toile / acrylic on canvas. 51 x 61 cm. (Pour tous les visuels / for all pictures: Court. l’artiste)
 ??  ?? « Seeing Red ». 2014. Acrylique sur toile / acrylic on canvas. 213 x 320 cm
« Seeing Red ». 2014. Acrylique sur toile / acrylic on canvas. 213 x 320 cm
 ??  ?? « Miss Chief: Justice of the Piece ».
Vendredi 4 février 2012 / Friday February 4th, 2012. Smithsonia­n’s National Museum of the American Indian Washington D.C. (Ph. Katherine Fogden, NMAI)
« Miss Chief: Justice of the Piece ». Vendredi 4 février 2012 / Friday February 4th, 2012. Smithsonia­n’s National Museum of the American Indian Washington D.C. (Ph. Katherine Fogden, NMAI)

Newspapers in English

Newspapers from France