Maryline Desbiolles

Le Neveu d’Anchise

Seuil, « Fiction & Cie », 144 p., 16 euros Il s’appelle Aubin. Un prénom « chic » qui marque toute sa différence avec les Logan, Enzo ou Rayan. C’est le neveu d’Anchise, apiculteur déglingué, original sur toute la ligne, qui n’oublia jamais Blanche, sa femme morte si jeune, et très âgé s’immola dans sa voiture pour rejoindre la seule lumière qui n’a jamais cessé d’occuper son coeur. Aubin est maigre dans une famille de gros. Il est cerné de toutes parts par le renoncement, l’affaissement et le lent écoulement. La maison d’Anchise a été détruite et remplacée par une déchetterie. Que reste-t-il alors de ce vieux fou d’Anchise ? « Une trompette de la marque Besson », encore étincelante malgré les toiles d’araignées, les coups et les griffures. Aubin se réfugie dans la colline, se cache dans ses buissons et ses herbes longues et « souffle à mort » dans la trompette. Personne ne remarque la marque rouge sur ses lèvres. Sauf Adel, le jeune gardien de la déchetterie. Adel a le sourire « brillant », un savoir surprenant et une étrange finesse émane de toute sa personne. Il déplie des histoires à n’en plus finir, écoute du jazz, « pas Chérie FM », et donne une place à Aubin. Cette rencontre libère Aubin d’une longue anesthésie, et éveille en lui une brûlure inconnue qui interroge sur ce mélange d’amour et de désir. Cependant, couché dans sa cage, le chien noir attend son heure. Dans ce roman bref et incisif sur l’origine et la transmission, Maryline Desbiolles balance entre un vide où « tout s’engouffre » et une douceur rêvée, convoitée, toujours vouée à la fluidité, entre la véhémence de l’ecballium, cette plante des décombres qui crache ses graines, et la douceur de Chet Baker « trop cool et trop drogué » qui chante I’m a Fool to Want You avec son corps troué « comme une passoire à musique ».