Art Press

Caroline de Mulder

- Richard Leydier

Manger Bambi

Gallimard, « La Noire », 208 p., 18,50 euros Adolescent­e, Hilda alias Bambi gaspille sa jeunesse dans une banlieue qu’on situe en Belgique ou, pire, dans le Nord de la France. Son existence est des plus glauques. Sa mère, alcoolique, émerge rarement de son lit. Elle se retrouve livrée à elle-même dans ce pavillon au jardin sauvage, insalubre. Avec ses copines Leila et Louna la lunaire, elles montent des arnaques afin de dévaliser des hommes appâtés par la chair fraîche sur un site de rencontres. Bambi cajole un petit Sig Sauer. Ce flingue est tout ce qui lui reste de son père, qui a déserté pour toujours le domicile familial lorsqu’elle avait cinq ans. La vie de Bambi, c’est Zola comme on dit, mais réécrit dans une langue âpre, argotique, douloureus­e. On se dit que tout cela va très mal finir. Soit qu’une des proies, par trop malmenée, sera accidentel­lement (?) occise, ou que Bambi finisse découpée en morceaux dans un sac poubelle... Seize ans, c’est jeune pour voir sa vie déjà finie. L’horizon de Bambi, c’est le bout de la rue, la cour du lycée. Son univers s’élargit un peu au fil du récit. Enfin, façon de parler… Elle atterrit dans un foyer qui n’a rien à envier à son domicile question dimension glauque, elle visite une demeure cossue, où elle manque de se faire trucider, et elle est si folle qu’elle ne rêve rien tant que d’y retourner avec sa bande pour vider la maison de ses richesses. Elle envisage enfin une fuite en Bretagne, très illusoire retraite car la Bretagne, ça n’est qu’un cul-de-sac où l’on ne peut être en définitive qu’acculé. Non, décidément, l’espace se rétrécit, pour ne pas dire qu’il se bouche, surtout qu’il y a Nounours qui a mis la main sur sa mère et aimerait bien la poser sur Bambi pendant que la génitrice cuve son vin. Les épilogues se jouent toujours dans l’escalier, surtout quand on a l’esprit du même nom.

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