Bertrand Cavalier
Concrete doesn’t burn Fw:Books, 160 p., 35 euros L’implacable photobook de Bertrand Cavalier interpelle par sa puissance esthétique mais aussi parce qu’il interroge le poids du passé européen, tout particulièrement l’influence des conflits lointains ou plus récents sur l’espace urbain de onze villes européennes. Le format ample, la reliure souple ainsi que le graphisme à la fois brutal et élégant de Hans Gremmen sont mis au service d’une séquence très travaillée dont le déploiement procède d’un principe de projections mentales permettant de faire surgir des émotions à partir d’éléments inanimés. En l’absence de textes explicatifs, les photographies laissent ouvertes les interprétations possibles. La liste des villes que l’on trouve à la fin du livre pourra guider la compréhension ainsi que certaines images qui revêtent des charges symboliques fortes comme l’inscription « No fascism » ou certaines architectures brutalistes. Audelà d’une opposition entre la vulnérabilité de jeunes citoyens aux postures parfois hésitantes et l’immuable de certaines architectures, c’est la notion de contrôle qui domine ; ainsi des feuilles qui débordent d’un box grillagé ou des caddies qui s’entrechoquent semblent symboliser la possibilité de sortir d’une zone contrôlée, tant physiquement que mentalement. Tout au long du livre, Bertrand Cavalier se demande à quel point les architectures défensives peuvent influencer les attitudes et contraindre les corps contemporains. Les cadrages plutôt serrés permettent peu de perspectives : des murs laissent la place à d’autres murs, des troncs d’arbres coupés semblent littéralement crier leur désarroi quand un groupe d’adolescents semble emprisonné dans un espace urbain muré. Enfin, au lieu de photographies, la dernière double page laisse la place à deux pages noires. No comment.