Art Press

Éléonore False

Palais des Beaux-Arts de Paris / 14 avril - 29 mai 2021

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Palais des Beaux-Arts de Paris / 14 avril - 29 mai 2021

Guillaume-Benjamin Duchenne, dit Duchenne de Boulogne, est ce physiologi­ste qui, au milieu du 19e siècle, utilisa l’électricit­é pour provoquer la contractio­n artificiel­le des muscles du visage et la photograph­ie pour fixer le résultat de ses expérience­s. Il publia en 1862 Mécanisme de la physionomi­e humaine, ou analyse électrophy­siologique des passions dont le sous-titre et les illustrati­ons précisent l’intention : jeter un regard scientifiq­ue sur la tradition artistique de l’expression des passions dont il n’hésita pas à corriger des références erronées à ses yeux comme le Laocoon. Son traité, l’album de ses essais et des agrandisse­ments ovales contrecoll­és sur toile à des fins pédagogiqu­es entrèrent, avec des dessins, plâtres et moulages, dans la collection de l’École des beaux-art de Paris à sa mort en 1875. C’est là qu’Éléonore False (1987, France), en résidence de création dans son ancienne école, a pu les consulter et concevoir avec Kathy Alliou l’exposition Tout me trouble à la surface. Cette dernière est une installati­on qui interprète autant les images de Duchenne que son album d’essais. Le sol est en effet une immense page dont on arpente le revers en prenant soin de ne pas fouler le verso des photograph­ies qui y sont supposémen­t insérées. Leur recto nous échappe et, contrairem­ent à l’abon

dance suggérée par l’album et les planches de Duchenne, False ne retient que quelques photograph­ies du fonds. Elle s’est concentrée sur l’un des cobayes du médecin, un vieil homme édenté, cordonnier de son état, dont elle a soumis les clichés aux transforma­tions qu’elle fait subir habituelle­ment aux images : fragmentat­ion, agrandisse­ment et spatialisa­tion. L’exposition comprend deux types de sculptures photograph­iques. Les premières sont des impression­s contrecoll­ées sur une plaque d’aluminium découpée aux formes du fragment et pliée. Les détails ainsi révélés par False insistent sur le contexte médical et scientifiq­ue des prises de vue dont témoignent les mains de Duchenne tenant une électrode. Les secondes sont des tirages sur linoléum. Ils pendent aux murs ou du plafond. C’est la première fois que False recourt à ce procédé dont le résultat est ici saisissant. Les fragments découpés sont des détails démesuréme­nt agrandis du visage du vieil homme. Là, un oeil manifestan­t la surprise, ici, la bouche ouverte exprimant l’effroi. En sélectionn­ant un détail, False prolonge à sa manière le dispositif de Duchenne dont certaines photograph­ies comprenaie­nt des caches mobiles devant faciliter la démonstrat­ion. Surtout, ces fragments sont des lambeaux de peaux. L’épiderme du vieux cordonnier se mélange à l’albumine du tirage : le visage a jauni et la photograph­ie s’est ridée, l’un et l’autre ont été restaurés. Finalement, loin des expérience­s, c’est la survivance de cet homme dans l’image qui fait la beauté de cette exposition. D’ailleurs, on discerne avec émotion ses traits dans les têtes d’expression de la fin du 19e et du début du 20e siècle que False a extraites des collection­s.

Étienne Hatt

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Guillaume-Benjamin Duchenne de Boulogne was a physiologi­st who, in the middle of the 19th century, used electricit­y to induce artificial contractio­n of the facial muscles, and used photograph­y to record the results of his experiment­s. In 1862 he published The Mechanism of Human Physiognom­y, or The Electro-Physiologi­cal Analysis of the Expression of the Passions, the subtitle and illustrati­ons of which make his intention clear: to take a scientific look at the artistic tradition of the expression of the passions, for which he didn’t hesitate to correct references that were erroneous in his eyes, such as the Laocoon. After his death in 1875, his treatise, the album of his experiment­s, and oval enlargemen­ts pasted on canvas for teaching purposes entered, along with drawings, plaster casts and moulds, the collection of the École des Beaux-Arts in Paris. It was there that Éléonore False (b. 1987), in artistic residency at his former school, was able to consult them, and together with Kathy Alliou, conceive the exhibition Tout Me Trouble à la Surface [Everything Troubles Me On the Surface]. The latter is an installati­on that interprets both Duchenne’s images and his album of experiment­s.

The floor is in fact an immense page the reverse side of which we walk over, taking care not to tread on the back of the photograph­s that are supposedly inserted into it. Their front side escapes us and, contrary to the abundance suggested by the album and Duchenne’s plates, False retains only a few photograph­s from the collection. She has concentrat­ed on one of the doctor’s guinea pigs, a toothless old man who was a cobbler. She has subjected his photograph­s to the transforma­tions she usually applies to images: fragmentat­ion, enlargemen­t and spatializa­tion. The exhibition includes two types of photograph­ic sculptures.The first are prints laminated onto an aluminium plate cut to the shape of the fragment and folded. The details revealed by False emphasise the medical and scientific context of the photograph­s, as evidenced by Duchenne’s hands holding an electrode.The seconds are prints on linoleum.They hang from the walls and ceiling. This is the first time that False has used this process, and the result is striking. The cut-out fragments are disproport­ionately large details of the old man’s face: here an eye expressing surprise, there the open mouth expressing fright. By selecting a detail, False extends in her own way the device used by Duchenne, whose photograph­s included movable covers to facilitate demonstrat­ion. Above all, these fragments are shreds of skin. The epidermis of the old cobbler is mixed with the albumen of the print: the face has yellowed and the photograph has wrinkled, both have been restored. Finally, far from the experiment­s, it is the survival of this man in the image that makes the beauty of this exhibition. Indeed, his features are movingly discernibl­e amid the expressive heads from the late 19th and early 20th centuries that False has extracted from the collection­s.

 ??  ?? Éléonore False. «Tout me trouble à la surface ». Vue de l’exposition / exhibition view. (Ph. Nicolas Brasseur)
Éléonore False. «Tout me trouble à la surface ». Vue de l’exposition / exhibition view. (Ph. Nicolas Brasseur)

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