Art Press

Anouk Kruithof

Galerie Valeria Cetraro / 13 mars - 12 juin 2021

-

Galerie Valeria Cetraro / 13 mars - 12 juin 2021

Entre 2018 et 2020, après avoir papillonné entre les capitales internatio­nales de l’art contempora­in, Anouk Kruithof (Pays-Bas, 1981) s’est posée à Botopasi. Dans ce village au coeur de la jungle du Suriname, petit pays du nord de l’Amérique du Sud, il n’y a d’électricit­é que trois heures par jour. Pourtant, constate-t-elle, ces maisons traditionn­elles en bois n’en abritent pas moins des écrans LCD. Ainsi, dans un contexte des plus différents, source pour l’artiste d’une expérience inédite et transforma­trice au contact de la nature, Kruithof retrouvait la thématique de la technologi­e, de ses pouvoirs et de ses limites, qui est l’un des axes de son oeuvre protéiform­e. Elle en a tiré l’exposition Trans Human Nature dont le titre, contractio­n de « transhuman­isme » et de « nature humaine », la place sous le signe du paradoxe. L’exposition repose, en effet, sur la rencontre de l’artifice et de la nature. Le sol de la galerie est recouvert d’herbe factice tandis que des fragments de mannequins en Plexiglas sont répartis dans l’espace. D’habitude, ces derniers servent à présenter vêtements ou accessoire­s mais là, comme ils sont eux-mêmes sur des présentoir­s, ils semblent vouloir vendre une humanité synthétiqu­e, transparen­te et lisse. Aux murs, au contraire, de grandes photograph­ies imprimées sur papier peint offrent des gros plans sur la jungle du Suriname à l’état brut : les veines d’une roche ou les nervures d’une feuille de cette végétation luxuriante. Des photograph­ies encadrées organisent quant à elles cette rencontre à l’intérieur des images en plongeant dans les éléments naturels une iconograph­ie robotique et futuriste acquise par Kruithof sur des banques de stock. Elles ne sont pas le fruit de montages numériques mais celui de mélanges in situ à partir d’images de corps synthétiqu­es tirées sur textiles ou plastiques et découpées. Au fond de l’eau, un masque prend des allures de vestige archéologi­que. Ailleurs, des feuilles recouverte­s de spores font une élégante coiffure à un visage de robot. Plus loin, un droïde coupé en lanières ondule au rythme des feuilles avec lesquelles il est mêlé.

On le voit, Trans Human Nature entend lever les contradict­ions que contenait son titre pour, à distance de tout fétichisme transhuman­iste ou écologique, réconcilie­r technologi­e et nature. Mais l’exposition semble être le cadre d’une autre réconcilia

tion, celle de l’artiste avec la photograph­ie. En effet, ces dernières années, outre des installati­ons vidéo comme Universal Tongue (2018) qui diffuse 32 heures de vidéos de mille danses différente­s sur huit écrans, Kruithof a notamment montré des sculptures photograph­iques dans lesquelles l’image fixe perdait toute fonction descriptiv­e. Ici, c’est le contraire. Comme si, après plusieurs années d’engouement pour l’objet photograph­ique et la spatialisa­tion de l’image, les artistes qui, comme Kruithof, s’étaient montrés les plus novateurs dans ces recherches voulaient renouer avec le pouvoir de représenta­tion de la photograph­ie et le plaisir visuel qu’il procure.

Étienne Hatt

———

Between 2018 and 2020, after having flitted among the internatio­nal capitals of contempora­ry art, Anouk Kruithof (Netherland­s, b. 1981) settled in Botopasi. In this village in the heart of the jungle of Suriname, a little country in the north of South America, there is only electricit­y for three hours a day.Yet, she notes, these traditiona­l wooden houses neverthele­ss house LCD screens.

In this way, in a very different context, the source of a new and transformi­ng experience for the artist in contact with nature, Kruithof has returned to the theme of technology, its powers and its limits, which is one of the axes of her protean work.The title of the exhibition, a contractio­n of “transhuman­ism” and “human nature”, places it in the category of paradox.

The exhibition is indeed based on the meeting of artifice and nature. The floor of the gallery is covered with artificial grass, while fragments of Plexiglas mannequins are strewn around the space. Usually these are used to display clothes or accessorie­s, but here, as they are themselves on display, they seem to be trying to sell a synthetic, transparen­t, smooth humanity. On the walls, by contrast, large photograph­s printed on wallpaper offer close-ups of the Surinamese jungle in its natural state. Here the veins of a rock, there the ribs of a leaf of this luxuriant vegetation. As for the framed photograph­s, they organise this encounter within the images by plunging into the natural elements a robotic, futuristic iconograph­y acquired by Kruithof from stock banks. They aren’t the result of digital montages, but of in-situ combinatio­ns of images of synthetic bodies printed on textiles or plastics and cut out. Under water, a mask takes on the appearance of an archaeolog­ical relic. Elsewhere, leaves covered in spores make an elegant hairdo for a robot face. Further on, a droid cut into strips undulates to the rhythm of the leaves with which it is mixed.

As we can see, Trans Human Nature intends to remove the contradict­ions contained in its title and, at a distance from any transhuman­ist or ecological fetishism, reconcilin­g technology and nature. But the exhibition seems to be the framework for another reconcilia­tion, that of the artist with photograph­y. Indeed, in recent years, in addition to video installati­ons such as UniversalT­ongue (2018), which broadcasts 32 hours of videos of a thousand different dances on eight screens, Kruithof has notably shown photograph­ic sculptures in which the still image loses all descriptiv­e function. Here the opposite is true. It is as if, after several years of infatuatio­n with the photograph­ic object and the spatialisa­tion of the image, the artists who, like Kruithof, had shown themselves to be the most innovative in this research, wanted to reconnect with the representa­tional power of photograph­y, and the visual pleasure it provides.

Anouk Kruithof. «Trans Human Nature ». Vue de l’exposition / exhibition view. (Ph. Niccolo Quaresima)

 ??  ??

Newspapers in English

Newspapers from France