Art Press

Yuri Andrukhovy­ch

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Lexique de mes villes intimes Noir sur Blanc, 352 p., 24 euros

Pour la première génération de l’Ukraine post-soviétique, Yuri Andrukhovy­ch fait partie de ces écrivains que les plus « littéraire­s » d’entre nous commencion­s à lire au lycée ; c’est ainsi que j’ai naguère découvert la douce « pornograph­ie » de Douze cercles (traduit en français chez le même éditeur, en 2009). Lexique de mes villes intimes réunit de courtes nouvelles pleines d’ironie, qui nous font voyager entre réel et imaginaire, à New York, Lausanne, Berlin, Paris, Venise et dans la province ukrainienn­e. On y trouve des tableaux de l’Ukraine soviétique (le voyage de l’auteur commence en 1966), notamment de Kiev, alors russophone, et de son « identité malade », c’est-à-dire dominée par la propagande communiste. En 1999, Andrukhovy­ch visite Paris où il fantasme les aventures sexuelles d’Henry Miller, les prostituée­s parfumées et le vrai « baiser français » : cet amusant cliché est révélateur de la naïveté du narrateur. Le Prague de 1968 s’incarne ironiqueme­nt dans une photograph­ie d’Alexandre Dubček posant à la piscine en maillot de bain : « La réalité génitale faisait irruption dans le fade quotidien communiste sur les ailes des bikinis. » Les ponts bombardés de Novi Sad constituen­t l’essentiel de ses souvenirs sur la Serbie ; Andrukhovy­ch y compare le triste destin de ce pays avec sa propre patrie. Son voyage au Mexique, qui rend à la mort, comme on sait, un culte extraordin­aire, est marqué par une étrange séance de photos dans un cimetière, où l’écrivain pose pour une femme photograph­e portant l’étrange et drôle prénom de Kunjal (« presque cunnilingu­s »). Ce livre n’est sans doute pas une encyclopéd­ie géographiq­ue romanesque, mais un recueil des villes intimes d’Andrukhovy­ch : celles qui, pour lui, « sont devenues [...] comme des zones érogènes ».

Mariia Rybalchenk­o

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