Magali Nachtergael
Poet against the machine Le mot et le reste, 198 p., 19 euros
Il y a quelque chose de particulièrement rafraîchissant, voire oxygénant, dans les pages de ce livre qui interrogent comme elles relient entre elles les pratiques d’écriture, de parole, de poésie, de chanson, de langue, allant de la poésie lettriste d’avant-garde au slam, du rap à la poésie contemporaine. Abordant moins le livre comme objet ou outil dépassé, que les pratiques dites hors du livre, Poet against the machine insiste sur l’influence des nouvelles technologies, depuis Dada jusqu’à aujourd’hui. C’est la plasticité de la langue dans ses mouvements de médiatisation et de remédiatisation qui intéresse Magali Nachtergael, mais aussi la ou les capacités de la littérature et de la poésie (dans un champ élargi) à s’extraire des circonscriptions socio-culturelles et des hiérarchies symboliques. Car l’un des enjeux est de savoir ce que la technologie fait à la littérature, et notamment si elle libère la parole de sa gangue académique. À partir d’exemples poétiques, d’oeuvres expérimentales (on croise, parmi de nombreuses autres, celles de Bernard Heidsieck, Henri Chopin, Michèle Métail ou Julien Blaine, mais on rencontre aussi Damso ou Kathy Acker), l’autrice interroge les technologies médiatiques et leur capacité d’expansion, du corps humain à l’autotune en passant par le papier, la machine à écrire, l’enregistrement sonore, le téléphone, le micro, les amplis bandes magnétiques… Dans ce livre dense et très informé, au beau titre ambivalent (référence à un groupe de rap métal), Nachtergael s’extrait de son errance numérique littéraire et trace l’histoire de ce qu’elle nomme néolittérature, en faisant l’archéologie des interactions entre la poésie et la technologie, et en en dégageant les actuels enjeux médiatiques, critiques mais aussi politiques. Exaltant !
Sally Bonn