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Comptes rendus

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L’Autre Lieu. De la Chine en littératur­e

Gallimard, « L’Infini », 224 p., 19,50 euros

Depuis une dizaine d’années, on lit dans la revue l’Infini – et toujours avec intérêt – les articles que Jean-Michel Lou consacre tantôt à l’oeuvre de Philippe Sollers tantôt à la civilisati­on chinoise et, le plus souvent, aux liens qui les unissent, aux rapports qu’elles entretienn­ent. À Corps d’enfance, corps chinois. Sollers et la Chine (2012) répond aujourd’hui l’Autre Lieu. De la Chine en littératur­e, une série de brèves études où, sur un ton toujours personnel, Lou aborde certains des écrivains européens pour qui la Chine, d’une manière ou une autre, a compté : depuis les auteurs des Lumières et les Pères jésuites et sans oublier naturellem­ent ni Claudel ni Segalen (à l’égard desquels il marque d’inattendue­s réserves). On pense surtout à Barthes et au regard subjectif qu’il porta sur le Japon (qui le ravissait) et sur la Chine (qui l’ennuya). Bien qu’il la connaisse beaucoup mieux que lui, Lou partage à l’égard de cette dernière la même et précieuse prudence méthodolog­ique que Barthes. Il sait que de la Chine, au fond, nul ne sait jamais rien puisque quand on parle d’elle, « on ne fait que parler de soi ». Lou a ses raisons pour s’exprimer ainsi, dont il fait état. Né d’une mère chinoise qui ne lui a pas appris sa langue, il sent à quel point il est chinois tout en ne l’étant pas. Son roman familial se mêle à son essai savant quand il évoque les rencontres (réelles ou imaginaire­s ?) de ses grands-parents avec Segalen ou Alexandra DavidNeel. Kafka – qu’il cite et auquel il a consacré son premier livre : le Petit côté. Un hommage à Franz Kafka (2010) – note quelque part : « Au fond, je suis chinois et je rentre chez moi. » Ce qui revient, comme l’écrirait sans doute l’un de ces taoïstes auquel va la préférence de Lou, à ne s’en retourner nulle part. Puisque, écrit-il, « il n’y a pas de Chine non plus ».

Philippe Forest

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