Comptes rendus
Fraenkel, un éclair dans la nuit Éditions de l’Olivier, 320 p., 19 euros
Trois médecins chez les surréalistes, deux qui n’ont pas persévéré dans le métier, Breton et Aragon, un troisième, Théodore Fraenkel, qui a exercé jusqu’à sa mort. Est-ce pour cette raison qu’il a peu écrit et fait partie de ces hommes, comme Jacques Rigaut, qui ont été très actifs au sein de groupes littéraires puis sont entrés peu à peu dans l’ombre ? Sachons donc gré à Gérard Guégan d’avoir, dans son chaleureux essai biographique, remis en lumière le poète et le peintre. Quel personnage et quelle vie, ce Fraenkel, tant aimé par Tzara, Breton, Aragon, Éluard, Desnos, Soupault ! Un grand amoureux, un soldat modestement héroïque en 1916, brancardier sur le front en Argonne, engagé en 1917 comme médecin pour venir en aide aux Russes en guerre alors que gronde la révolution bolchévique, puis, c’est le retour à Paris, l’aventure Dada, les violentes polémiques et les ruptures dans le mouvement surréaliste. Fraenkel est une mauvaise tête, un insoumis. Les débats littéraires, en ce temps, cèdent souvent le pas aux prises de positions politiques, le parti communiste mène la danse. On n’imagine pas aujourd’hui ce que furent, pendant ces années de l’entre-deux-guerres, l’intense activité et la formidable fécondité du milieu littéraire et artistique. 1936, la guerre d’Espagne. Que fait Fraenkel ? Direction la Catalogne, pour combattre Franco. Juin 1940, la défaite, Vichy, Fraenkel est juif, il doit fuir. Commence pour lui une hallucinante traversée à pied des Pyrénées, laquelle se poursuit par un voyage à but sanitaire en Russie, pour se terminer par un engagement dans l’armée. Paris retrouvé, il se mêle à nouveau au milieu littéraire, quitte le PCF, aide le FLN, soigne ses amis, dont Leiris. Victime d’un AVC, il meurt en 1964, aidé par son frère, médecin comme lui.