Art Press

Caroline Archat et Nadeije Laneyrie-Dagen (dir.)

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L’Art au risque de l’âge CNRS, 384 p., 25 euros

Qu’est-ce que l’âge fait à la création ? Répondre à la question diffère selon les époques, les arts et les artistes, même si cette préoccupat­ion prend acte du vieillisse­ment actuel des population­s en général. Peu d’écrits sur l’art ont abordé ce thème, à l’exception du « style tardif » qu’évoquait Adorno et qu’analyse, après lui, Danièle Cohn. Certes, il faut parfois faire face à des handicaps – surdité (Beethoven), arthrite (Renoir), quasi-cécité (Monet) –, mais la vieillesse ne rime pas toujours avec déclin. Pour les artistes, elle est surtout persévéran­ce et même, parfois, liberté. Qu’elles relèvent de l’histoire de l’art, de la sociologie ou de la psychanaly­se, les nombreuses contributi­ons du recueil l’Art au risque de l’âge courent du Titien à Jean Dubuffet, dont Marianne Jakobi décrit bien l’inventivit­é du processus de collage à partir de ses travaux antérieurs dans la série Théâtres de mémoire (1975-78), ou à Louise Bourgeois, à propos de laquelle Marie-Laure Bernadac montre que l’âge est une puissance simultanée qui fait se tutoyer vieillisse­ment et enfance. L’âge fait se côtoyer des moments de vie éloignés dont la linéarité d’une biographie ne peut pas rendre compte. L’autoportra­it ne met pas seulement en scène une décrépitud­e physique mais un combat, une progressio­n de l’artiste vers la conquête de son art, comme dans les derniers autoportra­its de Rembrandt, Ingres et Otto Dix. Et lorsque la critique descend le travail de l’artiste vieillissa­nt, il faudrait, au contraire, saluer sa prise de risque. Ainsi, Delacroix ne s’est-il pas contenté de sa gloire passée mais a innové tardivemen­t, comme l’analyse Sébastien Allard en étudiant ses « petits » tableaux. Vieillir, c’est prendre le risque de déplaire et pouvoir s’en moquer, ce qui est pour l’artiste une libération.

Claire Margat

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