E. Cauvin, M. Léglise, P. Wat
Les Nymphéas de Claude Monet. Une anthologie critique
CNRS, 320 p., 22 euros
La réception des Nymphéas, tournant important de la peinture moderne, fut pleine de résistances, sans parler de l’insatisfaction de Claude Monet lui-même : il transformait sans cesse son jardin, changeait la taille de ses toiles, les détruisait et retardait ainsi leur exposition. On peut le mesurer en lisant cette anthologie qui met en lumière les étapes de l’ultime projet du « père de l’impressionnisme », depuis sa découverte, lors des expositions parisiennes de 1900 et 1909, à la galerie Durand-Ruel, jusqu’à l’installation des grands tableaux à l’Orangerie, en 1927 (six mois après la mort du peintre), comme le montre, dans sa préface, Pierre Wat, qui nous introduit à la légende des Nymphéas. Ainsi découvre-t-on les regards de critiques, historiens de l’art, écrivains, collectionneurs, et même d’un homme d’État, Clemenceau, sur cette oeuvre qu’un texte anonyme décrivait comme « un jaillissement de la vie hors de l’humidité fécondante ». Pour la poétesse symboliste Gérard d’Houville, les Nymphéas évoquaient « des assiettes disposées pour un goûter de fées sur une nappe humide » ; une image que n’aurait pas reniée Proust, dont on relira ici le lumineux commentaire paru dans le Figaro : «Vraie transposition d’art plus encore que modèle de tableau. » On y trouve aussi le très poétique texte de Claude Roger-Marx, la réflexion saisissante de Péguy pour qui les Nymphéas sont « l’exemple le plus plein de sens et de représentation », la précieuse correspondance entre le peintre et son fidèle ami Clemenceau, Morand (« Monet cherche l’impossible […] ; l’impressionnisme, c’est le duvet du fruit... »), Claudel qui voit en Monet un héritier des verriers des cathédrales, bien d’autre jugements encore, ainsi que les paroles de Monet rapportées par des visiteurs qui faisaient le « pèlerinage » à Giverny.
Mariia Rybalchenko