Philippe Dagen
Barthélémy Toguo
Skira / Bandjoun Station / Lelong & Co., 268 p., 49 euros
Sous la forme d’un « beau-livre », cet ouvrage permet d’embrasser le travail phénoménal et polymorphe de Barthélémy Toguo, sorte de gigantesque cadavre exquis dans le temps et l’espace. Philippe Dagen le rapproche d’ailleurs du surréalisme à plusieurs reprises dans son texte remarquable. Il éclaire les différentes facettes de l’art et de la pensée de l’artiste avec justesse et discernement, sans l’enfermer dans une africanité réductrice. Avec des oeuvres sans limite de médium, Toguo parvient à manifester une pensée politique, sociale, mais aussi tout simplement formelle, poétique, sensuelle, décorative. En un mot : pleine d’humanité. L’art de Toguo est un collage à l’échelle d’une vie entière – sans nous casser les pieds avec un discours verbeux sur un intérêt supérieur de l’art ou de la vie. Originaire du Cameroun où il est né et a vécu 26 ans, il a des points communs avec Manu Dibango, le musicien de la même origine : une énorme énergie, le goût pour l’exploration artistique tous azimuts, une bienveillance qui tranche avec l’individualisme courant au sein de la gente artistique (toutes catégories confondues). Au lieu de paisiblement jouir de ses revenus dans un appartement-loft germanopratin tout en arborant un gauchisme de circonstance, Toguo a fondé la Bandjoun Station sur les hauts plateaux à l’ouest du Cameroun : un centre d’art de 600 m2 avec auditorium, salon de lecture, salles d’expositions temporaires, de présentation de la collection d’oeuvres issues d’échanges avec ses amis artistes, et ateliers. Bandjoun Station est aussi un projet agricole, environnemental et d’expérimentation sociale. Richesse et diversité. Cette première monographie sur Toguo en est le témoin. L’assistanat artistique français paraît tout à coup bien pusillanime.
Philippe Ducat