Absalon Absalon BORDEAUX
Capc Musée d’art contemporain / 24 juin 2021 - 2 janvier 2022
En quelques années, Absalon impose sa signature : des propositions d’habitations géométriques, d’un blanc immaculé, à la fois sommaires et incisives, nommées Cellules. C’est à l’échelle de son corps qu’il en réalise six modèles destinés à être implantés dans six villes pour devenir ses maisons. L’entreprise n’a pas été à son terme, le sida l’emporte en 1993, à l’âge de 28 ans. Son oeuvre reste néanmoins un témoignage majeur d’une démarche artistique qui se déploie d’abord comme un acte d’existence.
L’objectif est clair : il s’agit de se débarrasser de l’accessoire et de se recentrer sur le strict nécessaire. Chaque construction se présente sans prétention, sans décor, sans superflu, dans sa plénitude rudimentaire et protectrice. Absalon s’oblige à un espace resserré sur quelques mètres carrés, presque sécrété, qui s’ordonne et se structure autour de son corps et de la chorégraphie élémentaire de ses gestes liés à des occupations vitales, et donc d’un lieu de résistance à toute surenchère, toute dérive consumériste. Cette exiguïté lui offre la possibilité de faire son nid selon un ordre rigoureux, fonctionnel, efficace et qui échappe à l’érosion des habitudes, d’affûter des rituels et d’intensifier leur portée, d’animer,
de féconder et préserver sa vie intérieure. Elle enracine et stabilise, tout en ouvrant des échappées inédites. Équilibre difficile, mais qui procure sagesse et énergie pour vivre au plus près de l’essentiel. L’exposition Absalon Absalon, organisée par Guillaume Désanges et François Piron dans la grande nef du Capc, rassemble autour des Cellules des dessins, des plans, des maquettes, des sculptures et des vidéos, autant d’éléments portés par un « même désir » et au service d’un « unique programme » : construire une configuration personnelle et cohérente d’être au monde, sans céder à la pression des conditionnements et des impératifs culturels, sociaux et politiques. Cette dimension monographique, d’une ampleur conséquente, s’accompagne d’une dimension collective qui dessine autour de la singularité de l’artiste une géographie de résonances et de partages, avec une sélection d’oeuvres d’artistes actifs eux aussi dans les années 1990. Les points névralgiques de l’oeuvre d’Absalon, comme l’attention aux gestes du quotidien, la rigueur de l’agencement et de la reproduction, la question du soin et de la vulnérabilité, l’importance du cérémonial, la capacité à se faire une place, le lien au réel et l’essence d’habiter, se retrouvent à différents degrés chez Alain Buffard, Laura Lamiel, Robert Gober, Félix GonzálezTorres, Myriam Mihindou, Mona Hatoum, Dora García et Marie-Ange Guilleminot.
Absalon Absalon propose ainsi une investigation aux multiples entrées et lectures des racines, des transcendances et des intensifications de l’oeuvre de l’artiste franco-israélien, marquée par une stimulante rébellion contre les diktats et le bonheur simple de concentrer son être, dans une pensée de communion, avec une réalité vivante.
Didier Arnaudet
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In just a few years Absalon established his signature: proposals for geometric dwellings, immaculately white, both summary and incisive, called Cells. It is on the scale of his body that he created six models intended to be implanted in six cities to become his homes. The enterprise was never completed, as AIDS took his life in 1993, when he was 28 years old. His work nevertheless remains a major testimony to an artistic approach that unfolds primarily as an act of existence.
The objective is clear: it is a matter of getting rid of the accessory and focusing on the strictly necessary. Each construction is presented without pretence, without decoration, without superfluity, in its rudimentary, protective fullness. Absalon forced himself into a space restricted to a few square metres, almost secreted, which is ordered and structured around his body and the elementary choreography of his gestures linked to vital occupations, and therefore a place of resistance to all excess, all consumerist deviation. This exiguity offers him the possibility of making his nest according to a rigorous, functional, efficient order that escapes the erosion of habits, of sharpening rituals and intensifying their scope, of animating, fertilising and preserving his inner life. It roots and stabilises, while opening up new avenues of escape. A difficult balance, but one that provides wisdom and energy to live as close as possible to the essential.
The exhibition Absalon Absalon, organised by Guillaume Désanges and François Piron in the main nave of the Capc, brings together drawings, plans, models, sculptures and videos around the Cells, all of which are driven by the same desire, and serve a single programme: to build a personal, coherent configuration of being in the world, without giving in to the pressure of cultural, social or political conditioning and imperatives.This monographic dimension, of considerable scope, is accompanied by a collective dimension that draws around the artist's singularity a geography of resonances and sharing, with a selection of works by artists also active in the 1990s. The key points of Absalon's work, such as the attention to everyday gestures, the question of care and vulnerability, the rigour of arrangement and reproduction, the importance of the ceremonial, the ability to make a place for oneself, the link to reality and the essence of inhabiting, can be found to varying degrees in the work of Alain Buffard, Laura Lamiel, Robert Gober, Félix González-Torres, Myriam Mihindou, Mona Hatoum, Dora García and Marie-Ange Guilleminot. Absalon Absalon thus offers an investigation with multiple entries and readings of the roots, transcendences and intensifications of the work of the Franco-Israeli artist, marked by a stimulating rebellion against diktats, and the simple happiness of concentrating one's being, in a thought of communion, with a living reality.