Peter Sloterdijk
Faire parler le ciel Payot, 400 p., 25 euros
« Les voies du Seigneur sont impénétrables » ; en revanche, depuis des millénaires, le ciel ne cesse de nous causer. Il fallait donc une grande voix de la philosophie, celle de Peter Sloterdijk, pour rendre pénétrables ses paroles. Il s’intéresse en premier aux communications des dieux grecs descendus de l’Olympe par une grue tournante au-dessus d’une scène et joués par des comédiens masqués annonçant au bon peuple dans quelles tragi-comédies sa vie allait être plongée. Homère, Hésiode avaient annoncé le programme, Eschyle, Euripide, Sophocle, Aristophane en donnèrent le détail. D’emblée, paroles et pensées des dieux s’expriment selon des modalités et des procédés littéraires différents, souvent sous forme de grands textes poétiques. Les choses se corsent quand font leur entrée les religions du Livre, particulièrement la chrétienne. Cette fois, ce n’est pas un comédien, c’est un dieu lui-même qui nous parle en direct (presque, ses propos étant rapportés par les apôtres), Jésus, le Dieu-homme. Qu’en est-il, dès lors, de la thèse initiale de Slodertijk ? Il la développe en faisant appel à son impressionnante culture, littéraire, philosophique, théologique. Et de convoquer Platon, saint Paul, Augustin, Karl Barth, Mahomet, Luther, Pétrarque, Dante, Hobbes, Nietzsche, jusqu’au romancier Walker Percy. En vérité, plus que le ciel, c’est la langue qui parle, par la voix des premiers chanteurs, des poètes, des prophétesses, relayées par les grands textes mythiques et fictionnels. Pour nous dire quoi ? L’infinie « perplexité » qu’il y a pour l’homme d’être au monde avec un malheureux « équipement de fortune » intérieur et que « l’inquiétant » ne cessera d’habiter parmi nous. Faut-il en conclure que les religions ont encore un bel avenir devant elles ?
Jacques Henric