Gerard Manley Hopkins
Où s’enracine la beauté Cerf, 150 p., 16 euros
Il ne s’agit en rien d’un entretien avec le professeur Y de Céline mais d’un « dialogue platonicien » avec un professeur d’Oxford, et que l’auteur datera du 12 mai 1865. Gerard Manley Hopkins a vingt-et-un ans, il se prépare à entrer dans la célèbre université. Il imagine une conversation-promenade entre le professeur d’Esthétique et un étudiant, à laquelle viendra se joindre impromptu un peintre-dessinateur. On y échange à coups de raquette verbaux des arguments quant à la Beauté, aux symétries, aux règles, à l’écart. Des observations sur les arbres. Sur la poésie, la musique, la peinture. Le propos avance dialectiquement – ou piétine. Il a bizarrement commencé avec la convocation d’un « bon paradoxe » que rapporte le professeur : « En France, on raconte que les liens du mariage le plus souvent ça ne fonctionne pas, car ils obligent l’un et l’autre contre leur gré le jour où ils se lassent l’un de l’autre, sinon c’est superfétatoire » (Ah, cette France fille aînée de l’Église !). La conclusion abrupte du dialogue est intéressante : un vers de Shakespeare (d’Hamlet) vient se placer sans commentaire en dernière ligne : « Unhouseled, disappointed, unannealed », que Bruno Gaurier, l’auteur de l’édition du texte, de sa traduction et de sa présentation, traduit heureusement en « Nulle hostie, pas un aveu, nulle onction ». Le vers qui, d’un trait, coupe court à la longue et méandreuse discussion dit assez le désir de passer à un autre espace, loin. De se sauver. Sauver son âme hors des dialectes dialectiques. On demeure en état de péché si on ne fait que s’exercer aux négations et à l’esprit de contradiction par lesquels l’intelligence rationnelle veut faire la démonstration d’elle-même… Encore dix-sept mois et Hopkins abandonnera le protestantisme pour s’engager dans la voie catholique.