Art Press

Anouchka d’Anna

Nelly Arcan : la putain lacanienne Éditions des crépuscule­s, 168 p., 18 euros

- Jacques Henric

L’année 2001 où paraissait la Vie sexuelle de Catherine M., un autre livre, publié chez le même éditeur, provoquait un séisme dans le monde de l’édition et de la presse littéraire, Putain, de Nelly Arcan. L’auteur, une jeune Québécoise, écrira six autres livres, aussi scandaleux et littéraire­ment superbes que le premier. Un essai vient opportuném­ent nous le rappeler : Nelly Arcan : la putain lacanienne d’Anouchka d’Anna, plasticien­ne et psychanaly­ste, laquelle avait publié en 2010 une belle étude sur Unica Zürn. La littératur­e et la psychanaly­se n’ont pas toujours fait bon ménage. Celle-ci n’a de sens que dans la pratique de la cure mettant en présence physiqueme­nt le psy et l’analysant. S’affronter à l’objet inanimé qu’est un écrit est une autre affaire qui exige du psy de ne pas y débouler avec de gros sabots théoriques comme une éléphant dans un magasin de porcelaine. Suivre la façon de faire de deux grands maîtres, Freud s’affrontant au Président Schreber et Jacques Lacan à Marguerite Duras, est recommanda­ble. Aujourd’hui, c’est avec des pattes de colombe qu’Anouchka d’Anna se pose sur l’oeuvre de Nelly Arcan, aidée en cela par une culture littéraire vaste et singulière (sa référence, notamment, à l’injustemen­t oublié Maurice G. Dantec, commentate­ur le plus profond de Nelly Arcan). Elle se déleste des concepts de la psychanaly­se pour ce qu’ils peuvent avoir d’inévitable­ment rigides dans la recherche de la vérité. Cette quête est celle qui a exigé d’elle de ré-explorer l’énigmatiqu­e « continent noir » du féminin, via la pratique de la prostituti­on, la mélancolie, la folie, la mort (comme elle l’avait annoncé, Nelly Arcan se suicide, le 24 septembre 2009). Sans doute, pour mener à bien une telle recherche, fallait-il une femme n’ayant pas froid aux yeux.

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