DÉLICES FOR EVER
n Dès l’entrée du musée, les quatre lettresmeubles géantes du SURMIAM égrènent le mot MIAM. Dessinées par Hervé Di Rosa, elles permettent aux visiteurs de s’asseoir, mais elles sont aussi des vitrines abritant toutes sortes d’objets hétéroclites, accumulation qui évoque évidemment les vitrines de Bernard Belluc exposées un peu plus loin, et auxquelles est consacré un tout nouveau livre.
Au cours des prochains mois, ces quatre lettres seront aussi fabriquées dans un format plus réduit et auront vocation à accompagner les expositions de la collection hors les murs. Celles-ci sont faites de bois clair, et l’intérieur tapissé de miroirs éclairés au néon semble ouvrir un espace infini, celui de l’imaginaire. Derrière les vitres, on trouve de l’artisanat mexicain, des figurines de toutes sortes (en particulier des distributeurs de bonbons Pez), des objets ravivant le culte d’Elvis Presley, des céramiques de Vallauris kitchissimes mais magnifiques… Ces objets font partie des collections du musée, enrichies depuis quelque temps par des donations. Ils racontent l’histoire de vingt ans d’expositions au MIAM, tâche ardue à laquelle s’attèle aussi un ouvrage précieux édité pour l’occasion, le Grand Livre du MIAM. Il permet de plonger dans une histoire un peu folle et absolument nécessaire. En préambule de la visite figurent également quelques documents d’importance, comme un ensemble de citations d’Hervé Di Rosa consacrées aux arts modestes, une photographie d’anthologie où les deux fondateurs (Di Rosa et Belluc) jouent les jardiniers, ou bien encore les diverses cartographies qu’Hervé Di Rosa a imaginées et peintes pour figurer (et délimiter) les « territoires des arts modestes » : à leur périphérie, se tiennent les arts savant, populaire ou traditionnel, les arts modestes nous invi
tent « à passer outre le bon et le mauvais goût », écrit Hervé Di Rosa.
Cette entrée en matière, c’est l’exposition Forever MIAM (commissariat Françoise Adamsbaum), qui revisite vingt ans de passion pour les arts modestes. Et comme il s’est révélé particulièrement éclairant, le SURMIAM sera présenté de manière permanente dans l’entrée du musée, abritant à chaque exposition des objets des collections du MIAM ou liés aux expositions en cours, comme l’annonce Françoise Adamsbaum, directrice du lieu : « Nous avons décidé récemment de laisser en place de manière pérenne le SURMIAM et des extraits de l’exposition Forever MIAM qui montre l’ADN du musée. Il est important que les visiteurs qui viennent au MIAM comprennent d’emblée de quoi il s’agit, alors que les vitrines de Bernard Belluc arrivent en fin de parcours. » Le MIAM a vingt ans, l’âge de déraison.
UNE EXPOSITION STUPÉFIANTE ! Vingt ans, c’est l’âge où l’on expérimente. Dans l’espace d’exposition proprement dit, est accrochée Psychédélices (commissariat Barnabé Mons et Pascal Saumade). Elle revient sur les expériences visionnaires menées en France avec (ou pas) la consommation de produits stupéfiants et hallucinogènes. On ne pouvait sans doute pas rêver mieux pour ce vingtième anniversaire : c’est une expo MIAM par excellence tant elle mêle oeuvres reconnus et travaux demeurés à la marge. Hervé Di Rosa est le premier visiteur conquis : « Sur le papier, avant qu’elle ne soit accrochée, je n’avais pas saisi que Psychédélices rebattrait les cartes de l’idée même qu’on se fait du psychédélisme américain. »
L’exposition nous entraîne effectivement dans les méandres d’une création sous influence, mais principalement française, voire européenne. Car les racines du psychédélisme, si elles partagent quelques origines communes en France et outre-atlantique, diffèrent. La base en est surement plus surréaliste chez nous. Et ce dès les années 1930, donc bien avant les sixties. L’épisode du Grand jeu, mouvement poétique né à Reims, est notamment évoqué par un beau portrait de Roger Gilbert-Lecomte (un des piliers du Grand jeu) peint par Joseph Sima, l’op art par un relief de Jesús-Rafael Soto. On croise Robert Combas, Frédéric Pardo ou André Cervera, et plus loin, un ensemble de photos de François Lagarde entoure la Dream Machine de Brion Gysin, qui suscite des visions intérieures. Il faut monter à l’étage pour découvrir tout un ensemble de tableaux vraiment « barrés », comme ceux de SergeX ou Charles Duits. Une oeuvre de ce dernier montre une femme nue, le genou droit posé sur un coffre. Figure aussi Napoléon Bonaparte, en costume d’apparat, la main glissée comme il se doit dans la chemise entrebâillée. Un homme, nu également, se tient debout sur une table, un flambeau allumé dans la main gauche. Tout est étrange dans ce tableau. La scène se déroule dans une forêt extrêmement dense, l’empereur est mal peint, la femme porte des ballerines bleu électrique, et on se demande bien ce qui peut être conservé précieusement dans le coffre. C’est là une parfaite métaphore pour Psychédélices. Devant de nombreuses oeuvres, on ne cesse de se demander : pourquoi ? C’est là une saine activité, et le cerveau humain est décidément une chose fascinante. La prochaine exposition, qui s’intitulera Fictions modestes & réalités augmentées, sera inaugurée le 5 février 2022. Organisée par Anne-Françoise Rouche et Noëlig Le Roux, invités par Françoise Adamsbaum, elle portera sur diverses formes de récits, de la BD à la vidéo, la source de l’exposition puisant principalement dans les expériences et collaborations des artistes travaillant à la « S » Grand atelier, en Belgique. Le MIAM continue ainsi sa mission d’exploration avec cette exposition comme nouvelle démarche expérimentale, dans la perspective du laboratoire de recherches de formes, d’idées, de collaborations inédites et transversales.
At the entrance to the museum the four giant letters/furniture of SURMIAM spell out the word MIAM. Designed by Hervé Di Rosa, they allow visitors to sit down, but they are also vitrines housing all sorts of heterogeneous objects, an accumulation that obviously evokes Bernard Belluc’s vitrines exhibited a little further on, and to which a brand-new book is devoted.
Over the coming months these four letters will also be made in a smaller format, and will be used to accompany exhibitions of the collection off-site. These are made of light wood, and the interior, covered with neon-lit mirrors, seems to open up an infinite space, that of the imagination. Behind the glass one finds Mexican handicrafts, figurines of all kinds (in particular Pez sweet dispensers), objects reviving the cult of Elvis Presley, kitschy but magnificent ceramics from Vallauris... These objects belong to the museum’s collections, which have been enriched for some time by donations. They tell the story of twenty years of exhibitions at MIAM, an arduous task that is also tackled by an invaluable book published for the occasion, Le Grand Livre du MIAM [MIAM’s Big Book]. It allows you to dive into a slightly crazy but very much needed story.The visit’s preamble also includes a number of important documents, such as a set of quotations by Hervé Di Rosa devoted to the modest artsa classic photograph in which the two founders (Di Rosa and Belluc) pose as gardeners, and the various maps/charts that Di Rosa imagined and painted to represent (and delimit) the
“territories of the modest arts”. On their periphery stand the learned, popular and traditional arts. The modest arts invite us “to go beyond good and bad taste”, writes Di Rosa. This entry point is the exhibition Forever MIAM (curated by Françoise Adamsbaum), which revisits twenty years of passion for the modest arts. And as it has proved particularly enlightening, SURMIAM will be permanently displayed in the museum’s entrance hall, housing objects from MIAM’s collections or linked to current exhibitions, as Françoise Adamsbaum, the museum’s director, has announced: “We recently decided to leave SURMIAM and excerpts from the Forever MIAM exhibition, which shows the museum’s DNA, in place permanently. It’s important that visitors who come to MIAM understand from the start what it’s all about, whereas the Belluc vitrines come at the end of the visit.” MIAM has turned twenty, the age of unreason.
AN AMAZING EXHIBITION!
Twenty is the age of experimentation. In the exhibition space itself, Psychédélices [Psychedelights] (curated by Barnabé Mons and Pascal Saumade) is on display. It looks back at the visionary experiments carried out in France with (or without) the use of narcotic and hallucinogenic products. We couldn’t have dreamt of anything better for this twentieth anniversary: this is a MIAM exhibition par excellence, as it mixes recognised works with those that have remained on the fringe.
Di Rosa was the first visitor to be won over: “On paper, before it was hung, I hadn’t understood that Psychédélices was reshuffling the cards of the very idea of American psychedelia.
The exhibition does indeed take us into the twists and turns of a creation under the influence, but mainly French, even European. For the roots of psychedelia, while sharing some common origins in France and across the Atlantic, differ.The basis is certainly more surreal in France. And this was the case from the 1930s, well before the sixties. The episode of the Grand Jeu [The Great Game], a poetic movement born in Reims, is notably evoked by a beautiful portrait of Roger Gilbert-Lecomte (one of the pillars of the Grand Jeu) painted by Joseph Sima, and op art by a relief by Jesús-Rafael Soto. We come across Robert Combas, Frédéric Pardo and André Cervera, and further on, a set of photos by François Lagarde surrounds Dream Machine by Brion Gysin, which sparks inner visions. You have to go upstairs to discover a whole group of really “crazy” paintings, such as those by SergeX and Charles Duits. A work by the latter shows a naked woman with her right knee resting on a chest. There is also Napoleon Bonaparte, in full regalia, with his hand slipped into the half-open shirt. A man, also naked, is standing on a table with a lighted torch in his left hand. Everything is strange in this painting. The scene takes place in an extremely dense forest, the emperor is poorly painted, the woman is wearing electric blue shoes and one wonders what might be stored in the chest. This is a perfect metaphor for Psychédélices. Before many works one keeps asking: why? This is a healthy activity, and the human brain is definitely a fascinating thing.
The next exhibition, entitled Fictions Modestes & Réalités Augmentées [Modest Fictions and Augmented Realities], will open on February 5th, 2022. Curated by Anne-Françoise Rouche and Noëlig Le Roux, invited by Françoise Adamsbaum, it will focus on various forms of storytelling, from comics to video, with the source of the exhibition drawn mainly from the experiences and collaborations of the artists working at the “S” Grand Atelier in Belgium. MIAM thus continues its mission of exploration with this exhibition as a new experimental approach, in the context of a research laboratory for new, interdisciplinary forms, ideas and collaborations.