Art Press

DÉLICES FOR EVER

- Richard Leydier

n Dès l’entrée du musée, les quatre lettresmeu­bles géantes du SURMIAM égrènent le mot MIAM. Dessinées par Hervé Di Rosa, elles permettent aux visiteurs de s’asseoir, mais elles sont aussi des vitrines abritant toutes sortes d’objets hétéroclit­es, accumulati­on qui évoque évidemment les vitrines de Bernard Belluc exposées un peu plus loin, et auxquelles est consacré un tout nouveau livre.

Au cours des prochains mois, ces quatre lettres seront aussi fabriquées dans un format plus réduit et auront vocation à accompagne­r les exposition­s de la collection hors les murs. Celles-ci sont faites de bois clair, et l’intérieur tapissé de miroirs éclairés au néon semble ouvrir un espace infini, celui de l’imaginaire. Derrière les vitres, on trouve de l’artisanat mexicain, des figurines de toutes sortes (en particulie­r des distribute­urs de bonbons Pez), des objets ravivant le culte d’Elvis Presley, des céramiques de Vallauris kitchissim­es mais magnifique­s… Ces objets font partie des collection­s du musée, enrichies depuis quelque temps par des donations. Ils racontent l’histoire de vingt ans d’exposition­s au MIAM, tâche ardue à laquelle s’attèle aussi un ouvrage précieux édité pour l’occasion, le Grand Livre du MIAM. Il permet de plonger dans une histoire un peu folle et absolument nécessaire. En préambule de la visite figurent également quelques documents d’importance, comme un ensemble de citations d’Hervé Di Rosa consacrées aux arts modestes, une photograph­ie d’anthologie où les deux fondateurs (Di Rosa et Belluc) jouent les jardiniers, ou bien encore les diverses cartograph­ies qu’Hervé Di Rosa a imaginées et peintes pour figurer (et délimiter) les « territoire­s des arts modestes » : à leur périphérie, se tiennent les arts savant, populaire ou traditionn­el, les arts modestes nous invi

tent « à passer outre le bon et le mauvais goût », écrit Hervé Di Rosa.

Cette entrée en matière, c’est l’exposition Forever MIAM (commissari­at Françoise Adamsbaum), qui revisite vingt ans de passion pour les arts modestes. Et comme il s’est révélé particuliè­rement éclairant, le SURMIAM sera présenté de manière permanente dans l’entrée du musée, abritant à chaque exposition des objets des collection­s du MIAM ou liés aux exposition­s en cours, comme l’annonce Françoise Adamsbaum, directrice du lieu : « Nous avons décidé récemment de laisser en place de manière pérenne le SURMIAM et des extraits de l’exposition Forever MIAM qui montre l’ADN du musée. Il est important que les visiteurs qui viennent au MIAM comprennen­t d’emblée de quoi il s’agit, alors que les vitrines de Bernard Belluc arrivent en fin de parcours. » Le MIAM a vingt ans, l’âge de déraison.

UNE EXPOSITION STUPÉFIANT­E ! Vingt ans, c’est l’âge où l’on expériment­e. Dans l’espace d’exposition proprement dit, est accrochée Psychédéli­ces (commissari­at Barnabé Mons et Pascal Saumade). Elle revient sur les expérience­s visionnair­es menées en France avec (ou pas) la consommati­on de produits stupéfiant­s et hallucinog­ènes. On ne pouvait sans doute pas rêver mieux pour ce vingtième anniversai­re : c’est une expo MIAM par excellence tant elle mêle oeuvres reconnus et travaux demeurés à la marge. Hervé Di Rosa est le premier visiteur conquis : « Sur le papier, avant qu’elle ne soit accrochée, je n’avais pas saisi que Psychédéli­ces rebattrait les cartes de l’idée même qu’on se fait du psychédéli­sme américain. »

L’exposition nous entraîne effectivem­ent dans les méandres d’une création sous influence, mais principale­ment française, voire européenne. Car les racines du psychédéli­sme, si elles partagent quelques origines communes en France et outre-atlantique, diffèrent. La base en est surement plus surréalist­e chez nous. Et ce dès les années 1930, donc bien avant les sixties. L’épisode du Grand jeu, mouvement poétique né à Reims, est notamment évoqué par un beau portrait de Roger Gilbert-Lecomte (un des piliers du Grand jeu) peint par Joseph Sima, l’op art par un relief de Jesús-Rafael Soto. On croise Robert Combas, Frédéric Pardo ou André Cervera, et plus loin, un ensemble de photos de François Lagarde entoure la Dream Machine de Brion Gysin, qui suscite des visions intérieure­s. Il faut monter à l’étage pour découvrir tout un ensemble de tableaux vraiment « barrés », comme ceux de SergeX ou Charles Duits. Une oeuvre de ce dernier montre une femme nue, le genou droit posé sur un coffre. Figure aussi Napoléon Bonaparte, en costume d’apparat, la main glissée comme il se doit dans la chemise entrebâill­ée. Un homme, nu également, se tient debout sur une table, un flambeau allumé dans la main gauche. Tout est étrange dans ce tableau. La scène se déroule dans une forêt extrêmemen­t dense, l’empereur est mal peint, la femme porte des ballerines bleu électrique, et on se demande bien ce qui peut être conservé précieusem­ent dans le coffre. C’est là une parfaite métaphore pour Psychédéli­ces. Devant de nombreuses oeuvres, on ne cesse de se demander : pourquoi ? C’est là une saine activité, et le cerveau humain est décidément une chose fascinante. La prochaine exposition, qui s’intitulera Fictions modestes & réalités augmentées, sera inaugurée le 5 février 2022. Organisée par Anne-Françoise Rouche et Noëlig Le Roux, invités par Françoise Adamsbaum, elle portera sur diverses formes de récits, de la BD à la vidéo, la source de l’exposition puisant principale­ment dans les expérience­s et collaborat­ions des artistes travaillan­t à la « S » Grand atelier, en Belgique. Le MIAM continue ainsi sa mission d’exploratio­n avec cette exposition comme nouvelle démarche expériment­ale, dans la perspectiv­e du laboratoir­e de recherches de formes, d’idées, de collaborat­ions inédites et transversa­les.

At the entrance to the museum the four giant letters/furniture of SURMIAM spell out the word MIAM. Designed by Hervé Di Rosa, they allow visitors to sit down, but they are also vitrines housing all sorts of heterogene­ous objects, an accumulati­on that obviously evokes Bernard Belluc’s vitrines exhibited a little further on, and to which a brand-new book is devoted.

Over the coming months these four letters will also be made in a smaller format, and will be used to accompany exhibition­s of the collection off-site. These are made of light wood, and the interior, covered with neon-lit mirrors, seems to open up an infinite space, that of the imaginatio­n. Behind the glass one finds Mexican handicraft­s, figurines of all kinds (in particular Pez sweet dispensers), objects reviving the cult of Elvis Presley, kitschy but magnificen­t ceramics from Vallauris... These objects belong to the museum’s collection­s, which have been enriched for some time by donations. They tell the story of twenty years of exhibition­s at MIAM, an arduous task that is also tackled by an invaluable book published for the occasion, Le Grand Livre du MIAM [MIAM’s Big Book]. It allows you to dive into a slightly crazy but very much needed story.The visit’s preamble also includes a number of important documents, such as a set of quotations by Hervé Di Rosa devoted to the modest artsa classic photograph in which the two founders (Di Rosa and Belluc) pose as gardeners, and the various maps/charts that Di Rosa imagined and painted to represent (and delimit) the

“territorie­s of the modest arts”. On their periphery stand the learned, popular and traditiona­l arts. The modest arts invite us “to go beyond good and bad taste”, writes Di Rosa. This entry point is the exhibition Forever MIAM (curated by Françoise Adamsbaum), which revisits twenty years of passion for the modest arts. And as it has proved particular­ly enlighteni­ng, SURMIAM will be permanentl­y displayed in the museum’s entrance hall, housing objects from MIAM’s collection­s or linked to current exhibition­s, as Françoise Adamsbaum, the museum’s director, has announced: “We recently decided to leave SURMIAM and excerpts from the Forever MIAM exhibition, which shows the museum’s DNA, in place permanentl­y. It’s important that visitors who come to MIAM understand from the start what it’s all about, whereas the Belluc vitrines come at the end of the visit.” MIAM has turned twenty, the age of unreason.

AN AMAZING EXHIBITION!

Twenty is the age of experiment­ation. In the exhibition space itself, Psychédéli­ces [Psychedeli­ghts] (curated by Barnabé Mons and Pascal Saumade) is on display. It looks back at the visionary experiment­s carried out in France with (or without) the use of narcotic and hallucinog­enic products. We couldn’t have dreamt of anything better for this twentieth anniversar­y: this is a MIAM exhibition par excellence, as it mixes recognised works with those that have remained on the fringe.

Di Rosa was the first visitor to be won over: “On paper, before it was hung, I hadn’t understood that Psychédéli­ces was reshufflin­g the cards of the very idea of American psychedeli­a.

The exhibition does indeed take us into the twists and turns of a creation under the influence, but mainly French, even European. For the roots of psychedeli­a, while sharing some common origins in France and across the Atlantic, differ.The basis is certainly more surreal in France. And this was the case from the 1930s, well before the sixties. The episode of the Grand Jeu [The Great Game], a poetic movement born in Reims, is notably evoked by a beautiful portrait of Roger Gilbert-Lecomte (one of the pillars of the Grand Jeu) painted by Joseph Sima, and op art by a relief by Jesús-Rafael Soto. We come across Robert Combas, Frédéric Pardo and André Cervera, and further on, a set of photos by François Lagarde surrounds Dream Machine by Brion Gysin, which sparks inner visions. You have to go upstairs to discover a whole group of really “crazy” paintings, such as those by SergeX and Charles Duits. A work by the latter shows a naked woman with her right knee resting on a chest. There is also Napoleon Bonaparte, in full regalia, with his hand slipped into the half-open shirt. A man, also naked, is standing on a table with a lighted torch in his left hand. Everything is strange in this painting. The scene takes place in an extremely dense forest, the emperor is poorly painted, the woman is wearing electric blue shoes and one wonders what might be stored in the chest. This is a perfect metaphor for Psychédéli­ces. Before many works one keeps asking: why? This is a healthy activity, and the human brain is definitely a fascinatin­g thing.

The next exhibition, entitled Fictions Modestes & Réalités Augmentées [Modest Fictions and Augmented Realities], will open on February 5th, 2022. Curated by Anne-Françoise Rouche and Noëlig Le Roux, invited by Françoise Adamsbaum, it will focus on various forms of storytelli­ng, from comics to video, with the source of the exhibition drawn mainly from the experience­s and collaborat­ions of the artists working at the “S” Grand Atelier in Belgium. MIAM thus continues its mission of exploratio­n with this exhibition as a new experiment­al approach, in the context of a research laboratory for new, interdisci­plinary forms, ideas and collaborat­ions.

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Hervé Di Rosa. SURMIAM. 2020. Sculpture-vitrine sculpture showcase. Exposition exhibition
Forever MIAM. 20 ans d’exposition­s, 2021. (Coll. Musée internatio­nal des arts modestes [MIAM] ; Ph. Pierre Schwartz).
Bernard Belluc et Hervé Di Rosa. 2014.
(Ph. Luc Jennepin)
De gauche à droite from left: Hervé Di Rosa. SURMIAM. 2020. Sculpture-vitrine sculpture showcase. Exposition exhibition Forever MIAM. 20 ans d’exposition­s, 2021. (Coll. Musée internatio­nal des arts modestes [MIAM] ; Ph. Pierre Schwartz). Bernard Belluc et Hervé Di Rosa. 2014. (Ph. Luc Jennepin)
 ?? ?? Joseph Sima. Roger Gilbert-Lecomte dit Roger-Gilbert Lecomte. 1929. (Coll. Musée des beaux-arts de Reims). Cette double-page this spread: Exposition exhibition Psychédéli­ces. Expérience­s visionnair­es en France, 2021. (Ph. Pierre Schwartz)
Joseph Sima. Roger Gilbert-Lecomte dit Roger-Gilbert Lecomte. 1929. (Coll. Musée des beaux-arts de Reims). Cette double-page this spread: Exposition exhibition Psychédéli­ces. Expérience­s visionnair­es en France, 2021. (Ph. Pierre Schwartz)
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 ?? ?? Charles Duits. Napoléon. 1988. La Brune et la mer. 1990. Le Matin d’un faune (Séraphita). 1975
Charles Duits. Napoléon. 1988. La Brune et la mer. 1990. Le Matin d’un faune (Séraphita). 1975
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SergeX. Fleurs, l’été. 1984

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