Bernar Venet. Reliefs
Galerie Ceysson & Bénétière / 18 septembre - 13 novembre 2021
Pour l’exposition inaugurale de son nouvel espace à Saint-Étienne, la galerie Ceysson & Bénétière a invité Bernar Venet (1941, France). Les sculptures trouvent ici un site à leur mesure. Conçu par l’architecte Francis Grousson, le lieu totalise mille mètre carrés et abrite, outre les salles d’expositions, des bureaux, une boutique-librairie, une réserve et un restaurant. Pour marquer les 80 ans de l’artiste, l’exposition se tient simultanément à celle de la galerie de Paris, dédiée aux années 19611963, faisant ainsi lien entre les origines de l’oeuvre de Venet et son travail actuel. Signalons que le Louvre-Lens consacre également une exposition monographique au sculpteur jusqu’au 10 janvier 2022.
Si cet oeuvre est généralement associé aux grandes sculptures en acier Corten roulé, dont plusieurs sont présentes ici, l’exposition permet de mesurer les contradictions fructueuses de la recherche de Venet. Considérant le minimalisme auquel l’artiste a souvent été associé (en particulier pendant ses années étatsuniennes, avec la fréquentation d’artistes tels que Ad Reinhardt, Donald Judd, Sol LeWitt ou Frank Stella), voire sa dimension conceptuelle, mais aussi la part informelle, la performance, les monochromes ou encore la peinture expressionniste et matiériste des débuts, sans oublier la photographie, les pièces sonores et la poésie, l’ensemble s’apparente à une traversée de la modernité artistique, boulimique et quelque peu hétéroclite. Toute cette diversité n’est pas reprise dans l’exposition, mais à éprouver les oeuvres présentes, il apparaît que ce sont les catégories par trop rigides de l’histoire de l’art qui se révèlent sans doute inadéquates pour appréhender une démarche à la fois effectivement très disparate d’un point de vue formel et néanmoins très cohérente quant à son objet. Les sculptures de Venet proviennent certainement de la réalisation d’intentions, voire de programmes, mais elles sont d’abord des densités matérielles.
Alors que les célèbres angles et arcs de cercle de l’artiste sont très précisément déterminés par une mesure mathématique, les Indeterminate Lines affirment au contraire la liberté du geste. Ce sont des tracés dans l’espace qui s’affranchissent de la géométrie qui a longtemps fasciné Venet. D’une façon générale, l’aléatoire prend une part grandissante dans ce travail, comme si l’artiste provoquait l’entropie des systèmes qu’il a lui-même établis. De même, comme leur nom le suggère, les Gribs sont-ils des reprises, agrandies et transposées en relief, de petits gribouillis au crayon. Le geste mineur et spontané est ainsi élevé au monumental. Avec les Indeterminate Surfaces, le motif provient d’un gribouillis analogue, mais où la hachure des lignes produit une surface pleine, par remplissage. Ces sculptures tiennent alors autant du volume que de la surface, de la ligne, du dessin, du tableau. D’ailleurs, bien qu’accrochées au mur, elles conservent un point de contact avec le sol, comme une prise de terre, révélant en cela que ce qui fait sculpture n’est pas tant le volume, ni le gigantisme ni le poids, mais bien le rapport physique à la terre.
Karim Ghaddab
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For the inaugural exhibition of its new space in Saint-Étienne, the Ceysson & Bénétière gallery has invited Bernar Venet (b. 1941, France). Here his sculptures have found a site worthy of them. Designed by the architect Francis Grousson, the space totals a thousand square metres and houses, in addition to the exhibition rooms, offices, a shop/bookshop, a storeroom and a restaurant. To mark the artist’s 80th birthday, the exhibition is being held at the same time as the exhibition at the Paris gallery, which is dedicated to the years 1961-63, thus linking the origins of Venet’s work with his current work. It should be noted that the Louvre-Lens is also devoting a solo exhibition to the sculptor until January 10th, 2022.
While this work is generally associated with the large sculptures in rolled Corten steel, several of which are present here, the exhibition allows us to measure the fruitful contradictions of Venet’s artistic endeavours. Considering the minimalism with which the artist has often been associated (particularly during his American years, with the association of artists such as Ad Reinhardt, Donald Judd, Sol LeWitt and Frank Stella), and even his conceptual dimension, but also the informal part, the performance, the monochromes and even the expressionist and materialist painting of the beginnings, without forgetting the photography, the sound pieces and the poetry, the whole exhibition resembles a bulimic and somewhat heterogeneous journey through artistic modernity. Not all of this diversity is included in the exhibition, but on experiencing the works present, it appears that it is the overly rigid categories of art history that are proving inadequate to apprehend an approach that is indeed very disparate from a formal point of view, and yet very coherent in terms of its purpose. Venet’s sculptures certainly stem from the realisation of intentions, even programmes, but they are first and foremost material densities.
Whereas the artist’s famous angles and arcs are very precisely determined by mathematical measurement, the Indeterminate Lines assert freedom of gesture. They are tracings in space that free themselves from the geometry that has long fascinated Venet. Generally speaking, randomness plays a growing role in this work, as if the artist were provoking the entropy of the systems he himself has established. In the same way, as their name suggests, the Gribs [Scribbles] are repeats, enlarged and transposed into relief, of small pencil scribbles. The minor’ spontaneous gesture is thus elevated to the monumental. With Indeterminate Surfaces, the motif comes from a similar scribble, but where the hatching of the lines produces a solid surface by infilling/filling in. These sculptures are therefore as much volume as surface, line, drawing, painting. Moreover, although they are hung on the wall, they retain a point of contact with the ground, like a “grip on the earth”, revealing that what makes a sculpture is not so much volume, gigantism or weight, but rather the physical relationship with the earth.
Bernar Venet. Reliefs. Vue de l’exposition exhibition view galerie Ceysson & Bénétière, Saint-Étienne, 2021. (© C.Cauvet ; Court. C&B)