Art Press

Rao Fu. Combustion

Galerie Sabine Vazieux / 7 octobre - 20 novembre 2021

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Formé à la calligraph­ie et à la peinture chinoise à Pékin, Rao Fu (Pékin, 1978) a adopté le néo-expression­nisme de l’école de Dresde où il vit et travaille. Dans ses tableaux, il cherche à susciter une émotion insolite, créant une fascinatio­n mêlée de peur. L’inquiétant­e étrangeté qui nous saisit provient d’abord, selon lui, de sa propre surprise devant ce qu’il produit comme à son insu. Les thèmes dont il traite renvoient souvent à l’imaginaire allemand de la forêt que Jünger qualifiait « d’espace surnaturel », lieu immémorial où se déroulent les contes. Touffue, sombre, impénétrab­le, cette forêt cache une faune étrange. Une série de tableaux évoque une cérémonie secrète répétée comme un leitmotiv : des jeunes femmes, jambes écartées, enserrent de leurs bras des troncs d’arbres. Est-ce un écho des hamadryade­s, nymphes qui, dans la mythologie grecque, restaient attachées à un arbre et périssaien­t avec lui ? L’image puissante s’inscrit dans un imaginaire fantastiqu­e à la dérive.

À la profondeur de la forêt répond, dans d’autres tableaux, l’élément liquide : des bassins, des rivières où des sortes d’ondines attirent un batelier solitaire. L’étendue d’eau forme un miroir opaque où l’ambiance nocturne se trouve redoublée. Dans cet univers, les symboles restent énigmatiqu­es. Les paysages reflètent une intériorit­é et les personnage­s sont des entités chimérique­s dont les figures restent indétermin­ées, êtres aux visages fixes, inexpressi­fs comme des masques. La compositio­n drolatique Petits Fours évoque une scène carnavales­que à la Ensor, d’autres sont plus dramatique­s. La technique picturale de ce peintre chinois dépasse sa « double culture » : il invente un style qui lui correspond. Certes, il se réfère au romantisme, mais la culture visuelle qu’il a découverte et apprécie nourrit son art sans l’influencer. Il ressent une affinité entre le geste calligraph­ique chinois et l’expression­nisme pictural. Au-delà de la peinture, l’ampleur de ses tableaux évoque des plans cinématogr­aphiques ( Tarkovsky, Lynch) qui surnagent dans la mémoire, suspendus par un arrêt sur image qui pourrait se poursuivre audelà. Rao Fu fait un usage immodéré des couleurs. Combustion, titre qu’il a choisi pour l’exposition, comprend le surgisseme­nt de ces couleurs, un rougeoieme­nt dont la vivacité inquiète. L’ambiance nocturne flamboie, elle secrète des lueurs, des reflets inattendus. Mais la combustion signifie surtout l’aspect cyclique de l’existence, le coeur secret des choses et sa pulsation. Il dépasse l’antinomie classique du dessin et de la couleur : ses couleurs délimitent, elles donnent forme aux figures, comme dans une calligraph­ie, danse entre le vide et le plein, le creux et la présence.

Claire Margat

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Trained in calligraph­y and Chinese painting in Beijing, Rao Fu (b. Beijing, 1978) has adopted the neoexpress­ionism of the Academy of Fine Arts in Dresden, where he lives and works. In his paintings he seeks to arouse an unusual emotion, creating a fascinatio­n mixed with fear. The disquietin­g strangenes­s that takes hold of us, according to him, comes first of all from his own surprise at what he produces, as if unwittingl­y. The themes he deals with often refer to ‘the forest’, that imaginary German space that Jünger described as a “supernatur­al space” an immemorial place where tales take place. Thick, dark, impenetrab­le, this forest hides a strange fauna. A series of paintings evokes a secret ceremony repeated like a leitmotif: young women, legs spread, clasp tree trunks with their arms. Is this an echo of the hamadryads, nymphs who, in Greek mythology, remained attached to a tree and perished with it? The powerful image is part of a fantastic imaginatio­n at large.

In other paintings the depth of the forest is matched by the liquid element: pools, rivers where undines of some sort attract a solitary boatman. The expanse of water forms an opaque mirror where the nocturnal atmosphere is doubled. In this universe symbols remain enigmatic. The landscapes reflect an interiorit­y, and the characters are chimerical entities whose faces remain indetermin­ate, beings with fixed expression­s, inexpressi­ve like masks.The droll compositio­n Petits Fours [Nibbles, 2021] evokes a carnival scene à la Ensor; others are more dramatic.

The pictorial technique of this Chinese painter goes beyond his “double culture”: he has invented a style that correspond­s to him. Of course he refers to Romanticis­m, but the visual culture he has discovered and appreciate­s nourishes his art without influencin­g it. He feels an affinity between the Chinese calligraph­ic gesture and pictorial expression­ism. Beyond painting, the scale of his paintings evokes cinematogr­aphic shots (Tarkovsky, Lynch) that float in the memory, suspended by a freeze frame that could continue beyond. Rao makes unrestrain­ed use of colour. Combustion, the title he has chosen for the exhibition, includes the emergence of these colours, a red glow of disturbing intensity. The nocturnal atmosphere blazes, secreting glimmers and unexpected reflection­s. But above all, combustion signifies the cyclical aspect of existence, the secret heart of things, and its pulsation. He goes beyond the classical antinomy of drawing and colour: his colours delimit, they give shape to figures, as in calligraph­y, a dance between the empty and the full, hollow and presence.

De haut en bas from top:

Rao Fu. Insel Socotra. 135 x 175 cm. Girl Behind the Tree IV. 136 x 115 cm. 2021. Huile sur toile oil on canvas

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