Nathalie Quintane
La Cavalière P.O.L, 160 p., 15 euros
« C’est si loin. » Le milieu des années 1970. Une autre époque. Celle de la contre-culture, de l’effervescence contestataire, du refus des tutelles sociales, morales et sexuelles, des expériences du vivre en marge et de la recherche de voies alternatives. Celle aussi de la contre-attaque réactionnaire et de la répression brutale de l’ordre politique prédominant. Depuis septembre 1974, dans une petite ville de province, Nelly Cavallero, directe, déterminée et radiante, enseigne la philosophie et porte une longue cape noire. Membre actif du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception, elle se livre d’un bloc, ne se plie qu’aux exigences de son énergie, et surprend par son entrain et son côté inattendu. En 1976, elle est inculpée d’incitation de mineurs à la débauche pour avoir prêté un local à un camarade et sur le fait présumé qu’il aurait pu y avoir des relations coupables entre lui et des jeunes gens. La rumeur se répand comme une masse de boue, sciemment entretenue. La presse à scandale se déchaîne. Nelly est radiée de l’Éducation nationale, puis réintégrée sous Mitterrand. Elle fréquente le monde du théâtre, continue malgré tout d’enseigner. Elle décède en 2017, sans jamais se remettre de cette affaire. Nathalie Quintane ne cherche nullement à faire son portrait et encore moins celui d’un temps révolu. Son livre repose d’abord sur un principe d’intersection entre un passé d’une brûlante actualité et un présent qui cherche son souffle pour réactiver les braises, entre l’itinéraire de cette rebelle qui pose la question « de la règle et de sa transgression » et le sien où elle entend mettre à jour « ce que nous ferions mieux de ne plus ignorer ». Elle chevauche ainsi cette histoire comme une monture enfourchée à cru et débarrassée du mors, cet objet de coercition.