Sabine Prokhoris
Le Mirage #MeToo Le cherche midi, 368 p., 20 euros
Voici un livre que la presse dite grande semble ne pas avoir aperçu mais que l’histoire des idées retiendra pour la leçon qu’il nous donne sur l’étrange déraison d’une époque, la nôtre. Que l’auteur, Sabine Prokhoris ne soit pas que philosophe mais psychanalyste est de bon augure, la convocation de Freud n’étant pas de trop pour voir plus clair dans ces « affaires » qui ont pris un tour de plus en plus délirant. Le point de départ de Prokhoris : le mouvement #MeToo, exemplaire de la façon dont il arrive parfois que le Bien accouche du Mal, que, selon les mots de Péguy, « la même action qui était propre devient sale, devient une action sale ». Il est vrai que l’action « propre » consistait à ce que la parole des femmes se libère avec l’événement #MeToo. Le fait qu’elle s’annonçait sous un autre libellé, #balancetonporc, portait déjà en elle, par un appel à la dénonciation et sa référence aux pourceaux, la trace d’une saleté originelle qui ne demandait qu’à proliférer. C’est son étendue, en somme, que Prokhoris met au jour et dont elle analyse longuement le mode de contagion voisin d’une irrésistible pandémie. C’est ainsi que des « affaires » se sont succédées, s’appelant et se confortant les unes les autres : affaires Sandra Muller, Polanski, Adèle Haenel, Matzneff, Olivier Duhamel. Très médiatisées, elles ne doivent pas être les quelques arbres qui cachent la forêt. Et la forêt, en l’occurrence, elle est faite de ces enseignants, universitaires, profs dans des écoles d’art, artistes, cinéastes, journalistes, qui ont été l’objet de campagnes diffamatoires au sein de leurs lieux de travail, puis relayées sur les réseaux sociaux. Ces plaintes diverses pour « agressions sexuelles », lorsqu’elles ont été, trop rarement hélas, portées devant les tribunaux, ont la plupart du temps abouti à un non-lieu.