Arnaud Claass
L’Intuition photographique. Notes 2016-2020, suivi de Regard perdu Filigranes, 160 p., 23 euros
Les fidèles de la pensée d’Arnaud Claass retrouveront dans ces notes les enjeux théoriques à l’oeuvre dans les écrits du photographe depuis son tout premier Journal de travail (1999). La forme fragmentée offre la possibilité de chroniquer la photographie contemporaine dans la vitalité de son actualité, de pointer certaines composantes du médium, d’y mêler de courtes descriptions d’actes de vision directe ; elle permet surtout à l’auteur de revenir, telle une ritournelle, sur des questionnements qu’il ne cesse de creuser, d’approfondir de manière poétique, existentielle et sensible ; en premier lieu l’approche directe du réel : « mon désir d’être devant la simplicité d’une photographie sachant affronter le visible face à face, à main nue ». L’intuition photographique rejoint cet état d’imminence que recherche l’auteur et s’accompagne de passages sur l’imprévisible et le primat du réel. Claass revient inlassablement à « l’acte de prise de vue » pour tenter de cerner ce que serait la photographie hors de ce qui lui apparaît comme des discours programmatiques, critiquant une photographie de très grand format « vociférante », se montrant sceptique concernant les formes d’art explicitement militantes, rejetant une photographie trop rhétorique. Au « baratin des justifications » Claass préfère « la mobilité des significations » et l’absence de slogan à l’instar « de la beauté fatiguée du buisson le plus ordinaire de Robert Adams » pouvant contribuer à l’indignation écologique. Plus intimes, les notes réunies sous le titre Regard perdu font suite au décès de sa femme Laura. L’analyse porte toujours sur l’acte de vision et rejoint le projet périlleux d’arriver à se déprendre, à lâcher prise dans une épiphanie avec le réel, postulant ainsi, avec Jonas Mekas, que « l’esprit n’est pas assez prisonnier de l’oeil ».