Gisèle Vienne. Travaux 2003-2021
Musée d’art moderne / 18 novembre 2021 - 23 janvier 2022
Se retrouver dans la salle Albert Amon du MAM après avoir parcouru celles consacrées aux travaux de Gisèle Vienne (France, 1976) peut s’avérer troublant en raison des skaters sur le parvis que l’on peut observer à travers les fenêtres. Animés là où les poupées de Vienne ne le sont pas, ils donnent l’impression d’en constituer les alter egos pas tant vivants que mouvants. Car on aurait tort de vouloir résumer les poupées d’adolescent(e)s – leur genre est par moments accentué, à d’autres indéfini – déployées au sous-sol à une dimension funèbre. Certes, elles sont allongées dans des caissons en verre mais, à les regarder de près, les poupées dégagent une impression de vie qui génère assez rapidement un malaise renforcé par l’éclairage d’un blanc froid très institut médico-légal rappelant les spectacles de Vienne. Il serait en effet vain de vouloir désolidariser ces oeuvres de cette perspective scénique et des corps au mouvement saccadé qu’il lui arrive d’associer à ceux, à l’arrêt, des poupées. Arrêt mis en abîme à travers les photographies également exposées qui, avec un texte mural de Elsa Dorlin, composent cette présentation bénéficiant de la mitoyenneté des salles de Christian Boltanski. Sa proximité avec les univers de Morton Bartlett et Oskar Kokoschka dont la mère (et assistante) de Vienne a été l’élève est manifeste. Il en est de même des atmosphères cinématographiques qui, des gialli à la série des Chucky, font écho à son esthétique. Seul le son si présent dans ses spectacles manque à l’appel. À moins de vouloir interpréter le silence oppressant qui s’impose ici comme sa nécessaire part d’ombre et d’intervalle.
Erik Verhagen
Gisèle Vienne. Travaux 2003-2021. Vue de l’exposition exhibition view. (Ph. Martin Argyroglo)
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To find yourself in the MAM’s Albert Amon Gallery after having visited the rooms devoted to the works of Gisèle Vienne (France, b. 1976) can be disturbing because of the skaters on the parvis that you can observe through the windows.
Animated where Vienne’s dolls are not, they give the impression of being alter egos, not so much living as moving. For it would be wrong to reduce the adolescent dolls—their gender is at times accentuated, at others undefined— displayed in the basement to a funereal dimension. True, they lie in glass cases, but on close inspection the dolls exude an impression of life that soon generates a sense of unease reinforced by the cold white lighting, reminiscent of a forensic institute, of Vienne’s shows.
It would be futile to try to separate these works from this scenic perspective and the jerky bodies sometimes associated with those of dolls, here at a standstill. A suspension that is set off by the photographs also on display, which, together with a mural text by Elsa Dorlin, make up this presentation that benefits from the adjoining rooms dedicated to Christian Boltanski. Her proximity to the worlds of Morton Bartlett and Oskar Kokoschka, whose Vienne’s mother (and assistant) was a student, is obvious. The same is true of the cinematic atmospheres which, from the gialli to the Chucky series, echo this aesthetic. Only the sound, so present in her shows, is missing. Unless you want to interpret the oppressive silence that imposes itself here as a necessary dark side, and an interval.