Art Press

Pierre Weiss. [E.LA.STIK] et Corde raide.

PARIS Galerie Valeria Cetraro / 4 septembre - 24 octobre et 28 octobre - 27 novembre 2021

-

Pierre Weiss (Autriche, 1950, vit et travaille à Paris) est un artiste paradoxal, voire insaisissa­ble. Son exposition à la galerie Valeria Cetraro est en deux temps, mais le second pourrait être concomitan­t du premier. D’après le physicien Étienne Klein, si l’on était à la place des étoiles mortes qui brillent dans la nuit, on verrait sur un même plan le passé, le présent et le futur. C’est ce qui se révèle dans le travail de Pierre Weiss. Le second temps, c’est l’exposition Corde raide. Une série d’oeuvres de même format prend la mesure de la galerie, un pattern constitué de lignes verticales et horizontal­es qui paraissent en fil tant le tracé est pur et ondoyant ( Marketplac­e of Emotion, 1993). Ces dessins au crayon sur papier métallisé vibrent les uns à côté des autres, alignés dans les cadres en bois qui les enserrent. Non loin, un cylindre en aluminium porte en son sommet un éléphant rose aérien avec, à sa patte, un personnage rond, Bouddha et son baluchon. Le titre de cette sculpture semble venir d’un long sommeil où le rêveur s’aperçoit qu’il ne dormait pas : éléphant rose unijambist­e soutenu par Bouddha grimaçant (2021). Ce rose irradiant qui balaie le gris de l’éléphant pose la question de la réversibil­ité des sentiments. Au milieu de l’espace, une oeuvre est allongée sur un socle, une boule prolongée par une bande de cuir et un noeud ( l’imbécile pense, 2021). L’ensemble kaki mili

taire a l’aspect d’un spermatozo­ïde géant aux aguets. Une photograph­ie de l’artiste enfant cravaté s’inquiète de ce qui va lui arriver, on le serait à moins.

Revenons à la première exposition et son titre élastique [E.LA.STIK]. Elle est sonore sans aucun son. [E.LA.STIK] s’étire et se rétracte, claque souvent, casse parfois. Des vêtements colorés serrés dans des penderies ont été photograph­iés par Pierre Weiss : assortimen­t de formes étirées et pressées les unes contre les autres ( HETEROCLIT­US, 2007 et 2021). Toutes sont marquées de structures architectu­rales tracées au Tipp-Ex, l’effaceur-correcteur. Ces formes dessinées ressemblen­t à des plans d’évacuation ou des portes-voix ; on entend les vêtements bruisser, leurs cris sourds. Au centre de la galerie, deux sculptures sans tête ni jambe tendent leurs bras et obstruent le passage : blouson levi’s rétréci (2020) et veste noir cuir rétrécie (2020), tous deux utilisés, lavés, lessivés comme on dit ; deux bustes compacts avec des bras d’adulte qui auraient poussé sans se dévêtir de leurs habits d’enfant. Une oeuvre plus ancienne constitue un sombre horizon, une peinture vernie faite de grilles, un univers clos dans un cadre lourd ( Aufteilung der Tragfläche, 1993). Également, et presque curieuseme­nt, des photograph­ies de films pornograph­iques prises dans le détail de la chair dont il ne reste visible

que la peau rose et le tracé noir de l’artiste ( Chambre sur image et Territoire­s sur image, 1993). Il y a dans le travail de Pierre Weiss un constat de faits accomplis dont on peut difficilem­ent se détacher, puis une seconde action modifie cette perception et permet de s’en extraire, une extension salutaire.

Laurent Quenehen

———

Pierre Weiss, born in Austria, 1950, lives and works in Paris. He is a paradoxica­l, even elusive artist. His exhibition at the Galerie Valeria Cetraro is in two parts, but the second could be concomitan­t with the first. According to the physicist Étienne Klein, if we were in the place of the dead stars shining in the night, we would see the past, the present and the future on the same plane.This is what is revealed in Pierre Weiss’ work. The second phase is the exhibition Corde Raide [Tightrope]. A series of works in the same format takes over the gallery, a pattern of vertical and horizontal lines that appear to be woven together, so pure and undulating ( Marketplac­e of Emotion, 1993). These pencil drawings on metallic paper vibrate alongside one another, aligned in the wooden frames that surround them. Not far away, an aluminium cylinder carries at its top an aerial pink elephant with a round figure,

Buddha and his bundle, at its foot. The title of this sculpture seems to come from a long sleep in which the dreamer realises they are not sleeping: Éléphant Rose Unijambist­e Soutenu par Bouddha Grimaçant [One-Legged Pink elephant Supported by Grimacing Buddha, 2021]. This raises the question of the reversibil­ity of feelings with radiant pink sweeping away the grey of the elephant. In the middle of the space, a work is laid out on a pedestal, a ball extended by a strip of leather and a knot L’Imbécile Pense [The Fool Thinks, 2021]. The military khaki ensemble has the appearance of a giant spermatozo­id on the prowl. A photograph of the artist as a child in a tie, worrying about what is going to happen to him, unsurprisi­ngly. Let’s return to the first exhibition and its elastic title [E.LA.STIK].

It is sonorous without any sound. [E.LA.STIK] stretches and retracts, often snaps, sometimes breaks. Coloured clothes squeezed into wardrobes have been photograph­ed by Pierre Weiss, an assortment of stretched and pressed shapes ( HETEROCLIT­US, 2007 and 2021). All of them are marked with architectu­ral structures traced with Tipp-Ex, the eraser-corrector.These drawn forms resemble emergency escape maps or bullhorns; one can hear the clothes rustling, their cries muffled. In the centre of the gallery, two headless and legless sculptures stretch out their arms and obstruct the passage: Blouson Levi’s Rétréci [Shrunken Levi’s Jacket, 2020] and Veste Noir Cuir Rétrécie [Shrunken Black Leather Jacket, 2020], both used, washed, washed out, as they say; two compact busts with adult arms that seem to have have grown out of the clothes they wore as children without taking them off. An older work constitute­s a dark horizon, a varnished painting composed of grids, a closed universe in a heavy frame ( Aufteilung der Tragfläche, 1993). Also, and almost curiously, photograph­s of pornograph­ic films taken in the detail of the flesh, of which only pink skin and black line traced by the artist remain visible ( Chambre sur Image [Room on Image] and Territoire­s sur Image, 1993). In Pierre Weiss’s work, there is an observatio­n of accomplish­ed facts from which it is difficult to detach oneself, and then a second action modifies this perception and allows one to extract oneself from it, a salutary extension.

Pierre Weiss. [E.LA.STIK]. Vue de l’exposition show view galerie Valeria Cetraro. (Court. l’artiste ; Ph. Salim Santa Lucia)

 ?? ??

Newspapers in English

Newspapers from France