Thomas Cazentre
Manuscrits d’écrivains Textuel/BnF, 239 p., 55 euros Convoquer seize conservateurs au chevet des plus beaux manuscrits de la littérature française pour produire un ouvrage à la fois érudit et grand public, c’est le pari réussi par Thomas Cazentre, conservateur au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France. Carnets de notes, feuillets, brouillons, dessins, tous choisis dans les collections de l’institution, sont présentés dans ce recueil aux allures de catalogue d’exposition. Au fil des pages, le lecteur parcourt donc six siècles de littérature, du 15e au 20e siècle, à travers un double discours : d’un côté les manuscrits, systématiquement retranscrits et reproduits en pleine page, de l’autre les analyses détaillées des conservateurs. Témoignages vibrants de l’acte d’écrire, fait de biffures et de fulgurances, les manuscrits présentés permettent au lecteur d’approcher au plus près de l’intimité des écrivains. On y découvre les envolées de plume spectaculaires et les enluminures raffinées de Christine de Pisan, les innombrables ratures, rajouts et incises de Gustave Flaubert, les illustrations fantastiques de Victor Hugo, les collages multiples propres à l’écriture feuilletonesque de Gaston Leroux, les dessins fantaisistes de Boris Vian, le papier à entête d’un café de Dieppe noirci d’écritures par Louis Aragon, les dessins d’enfants négligemment gribouillés au hasard des pages d’écriture d’Edouard Glissant. En regard, les contributeurs font l’exégèse des extraits proposés en s’appuyant sur l’histoire matérielle des textes, tout en posant un regard à la fois général et personnel sur l’oeuvre des 57 écrivains cités. Tours de force renouvelés à chaque page, ces analyses brillantes, mises bout à bout, forment une véritable anthologie de la littérature française. Ce n'est pas le moindre intérêt de cet ouvrage collectif passionnant.