Jean-Claude Hauc
Un arrière-goût de rat Tinbad, 176 p., 18 euros Non, n’exagérons pas : Montpellier n’est pas Chicago ni Medellin, mais il se passe tout de même de drôles de choses dans cette capitale de l’Occitanie. Tout récemment, un tueur en série aurait semé la terreur dans la ville. Du moins, si j’en crois le narrateur d’Un arrière-goût de rat. Et comment ne pas le croire puisque c’est lui le tueur qui raconte ses méfaits, ce prof à la retraite, physiquement délabré, entré en guerre contre son temps, éliminant tout ce qui le pourrit : touristes à short et mollets poilus, bipèdes à vélos et trottinettes, tatoués, hommes avec «boules à zéro» et femmes « au pubis rasé », « racaille africaine », végans, fanatiques du brouillage de l’identité sexuelle, autant de cibles prétextes à de jubilants et délirants exercices d’exécration. Mais ce Jack l’Éventreur redivivus qui se qualifie de « cynique anarchisant » n’est bizarrement pas seulement un amateur de chair féminine fraîche (ses anciennes élèves, un riche vivier d’expertes très dévergondées). Il est aussi un excellent cuisinier (ses recettes sont à conserver), et un homme de grande culture, plutôt porté vers les lectures des libertins, d’où sa facilité à trouver chez de grands auteurs la justification morale et philosophique de ses crimes : Sade, Nietzsche, Thomas de Quincey, Dostoïevski, Octave Mirbeau. Mais attention, lecteur, Barthes nous met en garde : ne pas confondre sujet de l’énoncé et sujet de l’énonciation. Je fais ce rappel parce que je m’avise que l’auteur de ce thriller politicométaphysique est lui aussi prof à la retraite, super cuistot, casanoviste hors pair. Profitez de ses digressions sur la musique, la peinture, sur des écrivains méconnus et, bien sûr, régalez-vous de son époustouflant récit dont l’humour noir est un puissant remède pour supporter la débilité de notre époque.