Marcelin Pleynet
Le Déplacement, Journal des années 1982-1983 Gallimard, 241 p., 19 euros
Un tournant. En passer par là. Le coeur y est, ou non. Tel Quel, l’Infini, le dialogue avec Philippe Sollers, les stratégies éditoriales… Marcelin Pleynet, poète, essayiste, critique d’art... travaille beaucoup, quand bien même il lui arrivera d’estimer son « rendement » comme au tiers de ce qu’il devrait, de ce qu’il pourrait être. À constater la multiplicité des études qu’il entreprend, les projets qu’il forme, apparaît manifestement que son ambition principale et centrale est d’établir son oeuvre (poétique), d’apporter des médiations susceptibles d’aider à la compréhension, la lisibilité de sa singulière poésie. De la dégager. (Mallarmé, déjà, demandait au poème de « douer d’authenticité notre séjour »). Au long des pages qui se suivent et s’interrompent, c’est noté et questionné : pensées, émotions, inspirations, l’intime et l’obligatoire mise en scène, exposition et retrait, la conviction et les doutes, la cohérence toujours avec inquiétude recherchée, l’analyse rationnelle et la « folie » d’une poésie, les réflexions sur la fonction même d’un journal. Le 30 décembre (1982) : « N’est-ce pas d’abord de cela dont témoignent les longs silences qui trouent et vident, parfois durant plus de trois semaines, les pages de ce journal ? Et ne devrais-je pas m’employer à en tirer une leçon ? » L’auteur n’est pas de ceux qui avancent des idées, il enregistre, et d’abord pour lui-même, des expériences vécues. On pourrait dire : pour s’y retrouver, écarter les fausses pistes, identifier sa voie propre, sur le rebord du jour et les ombres. Ces expériences sont critiques, fondées sur ce qui s’oppose, l’éclairant, au désastre (voir, notamment, les pages 184-186 sur Saint-Denis). La lecture de ce volume est indispensable à quiconque souhaitera connaître, « placer », l’oeuvre de Marcelin Pleynet.